Prêts en francs suisses – La Cour de cassation précise la portée du devoir d’information sur le risque de perte de change

Par arrêt rendu le 31 mars 2022 (Pourvoi n°19-17.996), la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a cassé un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris qui avait jugé que la banque n’avait pas manqué à son obligation d’information sur le risque de perte de change d’un prêt en francs suisse, remboursable en euros dès lors que plusieurs clauses du contrat faisaient référence aux possibles variations du taux de change EUR/CHF pendant sa durée.

La Cour de cassation a rappelé le principe selon lequel le banquier est tenu de communiquer à l’emprunteur « des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier et d’évaluer ainsi que le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, d’une telle clause sur ses obligations financières pendant toute la durée du contrat, notamment en cas de dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l’Etat où celui- ci est domicilié (…) ». 

Elle ajoute par cet arrêt que ces informations doivent être communiquées « dans l’hypothèse d’une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle ils percevaient leurs revenus par rapport à la monnaie de compte ».

Dans cette espèce, les emprunteurs avaient leurs revenus en euros et le franc suisse était utilisé comme monnaie de compte, de sorte qu’il existait un risque de perte de change.

L’information devant être fournie par le banquier à l’emprunteur pourrait, en conséquence, être moins détaillée lorsque celui-ci est un travailleur frontalier suisse, ayant des revenus en francs suisses.

Les frontaliers suisses devraient, en conséquence, fonder leurs recours sur le droit des clauses abusives qui devrait être jugé de manière plus favorable que le moyen tiré du manquement à l’obligation d’information.

Le droit des clauses abusives est distinct de l’obligation d’information.

Par arrêt rendu le 30 mars 2022, la Cour de cassation a en effet opéré un revirement de jurisprudence en jugeant que : 

  • les actions intentées par les emprunteurs de prêts en francs suisses, remboursables en euros, fondées sur le droit des clauses abusives étaient imprescriptibles, de sorte que les emprunteurs sont recevables à agir, y compris plusieurs années après la conclusion des prêts ; 
  • si le banquier n’avait pas informé concrètement les emprunteurs du risque de perte de change, notamment par des simulations de variation du cours EUR/CHF,  la clause mettant la totalité de la perte de change à la charge de l’emprunteur pouvait être jugée abusive.

Si la clause relative à la perte de change est jugée abusive, le contrat de prêt en francs suisses peut ainsi être annulé.

Dans ce cas, l’emprunteur ne devrait restituer à la banque que la contrevaleur en euro reçue à la signature du prêt, déduction faite de l’ensemble des intérêts, amortissements, primes d’assurance versés par lui pendant sa durée.

La perte de change est ainsi annulée ainsi toutes les charges d’emprunt.

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Les activités dominantes du cabinet sont le contentieux bancaire et financier et le droit pénal des affaires.

Nous assistons les emprunteurs et les investisseurs dans le cadre de litiges contre les banquiers, les assureurs et leurs intermédiaires, les prestataires de services d’investissement et les conseillers en investissements financiers.

Prêts hypothécaires en franc suisse

Le cours euro/franc suisse était de 1,01 au 29 janvier 2015 au lieu de 1,20 au 15 janvier.

Le principal à rembourser et les taux d’emprunts sur l’euro/franc ont par voie de conséquence augmenté de 20%.

Selon l’Agefi « l’encours des emprunts toxiques souscrits par les collectivités territoriales restait important à la fin de l’année 2014. Il était de 6,3 milliards d’euros au bilan de la Société de financement local (Sfil) contre 8,5 milliards deux ans plus tôt (…). Chez Dexia, qui a cédé l’essentiel de ses prêts à la Sfil, l’encours des emprunts toxiques est passé sous la barre de 1,2 milliard d’euros à la fin de 2014, contre 2,3 milliards d’euros initialement »

De nombreux particuliers, en particulier frontaliers, qui ont également souscrit des prêts hypothécaires en franc suisse, se trouvent dans la même situation.

La réévaluation du franc suisse par rapport à l’euro sanctionne les emprunteurs, les investisseurs et les courtiers en devises

Le franc suisse a grimpé de 20% par rapport à l’euro depuis la décision de la Banque nationale suisse du 15 janvier 2015 de cesser de soutenir l’euro sur les marchés financiers pour empêcher l’appréciation du franc.

Les épargnants français qui ont contracté un emprunt libellé en franc suisse sont donc lourdement pénalisés.

Selon la presse, plus de 4600 ménages français ont contracté des prêts immobiliers indexés sur le franc suisse.

Le capital à rembourser a augmenté, compte tenu de la réévaluation du franc suisse, de +40% depuis 2008, la hausse du franc suisse ayant provoqué, par voie de conséquence, une hausse considérable du coût de la dette.
Les courtiers en devises sont également touchés compte tenu de leur obligation de couvrir les pertes que leurs clients ayant investi sur le marché des changes (Foreign Exchange Market – Forex), via des sites de trading online permettant des investissements à fort effet de levier, ne peuvent pas assumer.

Selon le Figaro du 21 janvier 2015,  » la brutale hausse du franc suisse a généré des pertes massives. De nombreux acteurs du secteur ont tremblé sur leurs bases, et certains ont même fait faillite. Ainsi d’Alpari UK, qui s’est déclaré en cessation de paiement le 16 janvier. L’un des plus gros acteurs du secteur, FXCM, a de son côté frôlé la catastrophe (…) après avoir déclaré 225 millions de dollars de pertes ».