Parution du décret portant sur les contrats de crédit immobilier aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation

 

Le Décret n° 2016-607 du 13 mai 2016 portant sur les contrats de crédit immobilier aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation  a été publié au journal officiel du 15 mai 2016.

L’analyse de la solvabilité de l’emprunteur  par le banquier sera prévue aux futurs articles R. 312-4 et suivants du Code de la consommation.

L’évaluation de la solvabilité se fonde sur des informations relatives :

« 1° Aux revenus de l’emprunteur, à son épargne et à ses actifs ;

2° Aux dépenses régulières de l’emprunteur, à ses dettes et autres engagements financiers.

Le prêteur tient compte, dans la mesure du possible, des événements pouvant survenir pendant la durée du contrat de crédit proposé tels que, le cas échéant, une augmentation possible du taux débiteur ou un risque d’évolution négative du taux de change en cas de prêt libellé en devise autre que l’euro mentionné à l’article L. 313-64, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016.

Le prêteur ou l’intermédiaire de crédit avertit l’emprunteur de la nécessité de fournir des éléments exacts et complets afin qu’il puisse être procédé à une évaluation appropriée. Il l’informe que le crédit ne peut être accordé lorsque le prêteur ne peut procéder à l’évaluation de solvabilité du fait du refus de l’emprunteur de communiquer ces informations. Le prêteur conserve la preuve de cet avertissement sur support durable pendant la durée du contrat de crédit« .

Le  banquier pourra être condamné s’il ne justifie pas de l’accomplissement des obligations susvisées.

Le mode de calcul du TEG est également précisé, de sorte que les erreurs et le contentieux consécutif devraient diminuer.

Ces dispositions entreront en vigueur le 1er juillet 2016.

 

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Ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation

L’ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation a été publiée au Journal Officiel du 26 mars 2016.

Il s’agit de la transposition en droit interne de la Directive européenne 2014/17/UE sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et modifiant les directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) n° 1093/2010.

De nouvelles obligations seront introduites dans le Code de la consommation et le Code monétaire et financier relatives à l’information générale du consommateur, à la remise d’une fiche d’information précontractuelle standardisée européenne (FISE), à l’évaluation de solvabilité, aux explications adéquates et au devoir d’alerte, au service de conseil, à l’évaluation du bien immobilier, aux règles de conduite et de rémunération et aux règles de compétence.

La notion de taux effectif est modifiée pour être substituée par celle de taux effectif annualisé global ou TAEG. Le TAEG sera calculé selon une même formule financière qui sera définie par décret.

1. Le devoir d’explication est précisé par l’ordonnance

Les articles L. 313-11, 313-12 et L. 314-22 du Code de la consommation prévoiront que  :

  • « le prêteur ou l’intermédiaire de crédit devront fournir gratuitement à l’emprunteur les explications adéquates lui permettant de déterminer si le ou les contrats de crédit proposés et les éventuels services accessoires sont adaptés à ses besoins et à sa situation financière » ;

L’article L. 313-22 du Code de la consommation prévoit que le devoir d’explication porte sur les « risques que la durée du contrat fait courir à l’emprunteur ».

L’obligation d’explication est soumise à la consultation du fichier des incidents de paiement (FICP)  (article L. 751-1 du Code de la consommation).

Le banquier devra justifier de la consultation du FICP  en cas de litige.

2. Le prêteur devra analyser la solvabilité de l’emprunteur selon des critères désormais légaux

L’article L. 313-16 du Code de la consommation prévoit que  :

  • « avant de conclure un contrat de crédit, le prêteur procède à une évaluation rigoureuse de la solvabilité ».

La solvabilité est définie comme la « probabilité qu’il [l’emprunteur] remplisse ses obligations au terme du contrat de crédit ».

La vérification de  solvabilité consistera pour le banquier  à « prendre en compte les facteurs pertinents permettant de vérifier » cette probabilité (L. 313-16 du Code de la consommation).

Le Code de la consommation précise que ces facteurs sont « les informations nécessaires, suffisantes et proportionnées relatives aux revenus et dépenses de l’emprunteur » ainsi que « d’autres critères économiques et financiers  ».

L’évaluation du bien immobilier et le ratio LTV (loan to value), c’est à dire le rapport entre le montant du prêt et la valeur du bien acquis et apporté en garantie devra être précisé dans un rapport écrit (L. 313-22 du même code).

3. Le devoir de mise en garde jurisprudentiel est consacré par l’ordonnance

  • « Le prêteur ou l’intermédiaire de crédit met en garde gratuitement l’emprunteur lorsque, compte tenu de sa situation financière, un contrat de crédit peut induire des risques spécifiques pour lui ».

La banque sera débitrice de cette obligation, sans la conditionner au caractère averti ou non de l’emprunteur. La loi va donc au delà de l’obligation jurisprudentielle.

4. Le devoir de conseil

Le devoir de conseil pèsera le cas échéant sur les intermédiaires bancaires définis à l’article L. 519-1 du Code monétaire et financier.

Les principales obligations entreront en vigueur à compter du 1er juillet 2016 pour les contrats dont l’offre a été émise après cette date.

S’agissant des obligations relatives à la publicité ainsi que l’information générale et précontractuelle, celles-ci seront applicables à compter du 1er octobre 2016.

S’agissant de la FISE, des obligations relatives aux prêts en devises étrangères et des nouvelles dispositions relatives au TAEG, celles-ci s’appliqueront à compter du 1er janvier 2017.

 

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Revirement de jurisprudence – Crédit immobilier

La Cour de cassation a opéré un important revirement de jurisprudence en matière de prescription de crédit immobilier par quatre arrêts rendus le 11 février 2016.

Le capital restant dû sera désormais exigible à compter de la déchéance du terme et non plus à la date du premier incident de paiement non régularisé.

Le délai de prescription est toujours de 2 ans.

Par un arrêt du 10 juillet 2014, la Cour de cassation avait jugé que le point de départ pour agir dans le cadre des prêts immobiliers devait se situer à la date du premier incident de paiement non régularisé.

Cette solution fut confirmée par la suite par de nombreux arrêts.

La Cour de cassation change désormais sa position en jugeant que :

  • « à l’égard d’une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l’égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l’action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d’échéance successives, l’action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité ».

Il y a donc plusieurs prescriptions.

Les échéances de remboursement se prescrivent à compter de leurs dates d’échéance successives.

Le capital restant dû se prescrit quant à lui à compter de la déchéance du terme.

La banque a deux ans pour agir. A défaut, son action est prescrite.

Cass. 1ère civ. 11 févr. 2016, n° 14-28.383, arrêt 193, n° 14-22.938, arrêt n° 192, n° 14-27.143, arrêt n° 194, et n° 14-29.539, arrêt n° 195

 

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TEG et VEFA

Par arrêt du 17 juin 2015, la Cour de cassation a jugé que les intérêts intercalaires doivent être intégrés dans le TEG.

Deux conditions : la durée de la période de franchise et les intérêts s’y rapportant doivent être prévus par le contrat de prêt.

C’est généralement le cas lors d’une vente en l’état futur d’achèvement.

L’acquéreur règle des intérêts dits intercalaires entre la date du prêt finançant une acquisition en l’état futur d’achèvement (sur plan) et le début de la période d’amortissement qui est différé pendant la réalisation des travaux qui sont réglés au promoteur au fur et à mesure de leur avancement.

Cass. 1ère civ. 17 juin 2015, n°14-14.326

 

Promesse de vente – La non-réalisation de la condition suspensive de financement

 

 

En signant une promesse de vente immobilière portant sur un immeuble conclue sous condition suspensive de financement, les acquéreurs sont tenus de verser au vendeur une indemnité d’immobilisation généralement égale à 10 % du prix de vente.

S’ils n’obtiennent pas le prêt nécessaire à l’acquisition, ils peuvent récupérer leur indemnité d’immobilisation auprès du vendeur.

L’article L. 312-16 alinéa 2 du Code de la consommation prévoit en effet que lorsque la condition suspensive de financement n’est pas réalisée, toute somme versée d’avance par l’acquéreur à l’autre partie ou pour le compte de cette dernière est immédiatement et intégralement remboursable sans retenue ni indemnité à quelque titre que ce soit.

Les bénéficiaires de la promesse remettent alors au vendeur ou à son notaire une attestation d’une banque ou d’un courtier disant que le prêt demandé n’a a pas été obtenu.

Malgré les dispositions de la loi protectrices des intérêts des emprunteurs, les bénéficiaires d’une promesse de vente doivent être très vigilants dans la mesure où une demande de prêt non conforme aux termes de la promesse est fautive et fait perdre le bénéfice de la protection légale.

L’article 1178 du code civil prévoit en effet que :

  • « La condition est réputée accomplie lorsque c’est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l’accomplissement ».

Les tribunaux, saisis par des vendeurs qui considèrent que les emprunteurs n’ont pas accompli les diligences nécessaires pour permettre l’obtention du prêt, s’attachent donc à vérifier que le défaut d’obtention du prêt n’est pas dû à leur comportement.

La Cour de cassation choisit la tolérance zéro.

Les acquéreurs doivent donc justifier d’une demande de prêt exactement conforme aux caractéristiques stipulées dans la promesse.

A défaut, ils sont fautifs et perdront leur indemnité d’immobilisation.

Selon la Cour de cassation, la condition suspensive est ainsi réputée accomplie lorsque :

  • lorsque l’emprunteur demande un taux légèrement inférieur à celui prévu par la promesse (Civ. 3e, 20 nov. 2013, Bull. civ. III, no 150, n° 12-29.021).
  • lorsque l’emprunteur demande un prêt supérieur à celui prévu dans la promesse de vente (Civ. 24 sept. 2008, n° 07-13989, Bull. civ. III, n° 131,) ;
  • la demande de prêt est faite au nom d’une société civile immobilière et non par les bénéficiaires eux-mêmes (3e civ. 27 février 2013 – D. 2013. 705) ;
  • le bénéficiaire se contente de présenter une simple simulation de crédit auprès d’un établissement bancaire sans démontrer qu’il a déposé une demande de prêt conforme aux caractéristiques prévues dans la promesse synallagmatique de vente (Cass. 3e civ., 24 sept. 2013, n° 12-24.930).

Les vendeurs ne doivent donc pas hésiter à conserver le dépôt de garantie si les justificatifs remis par les acquéreurs ne sont pas conformes.

Les acquéreurs doivent quant à eux être prudents et être conseillés tout au long du processus d’acquisition afin d’éviter de perdre l’indemnité d’immobilisation versée.

 

Le banquier n’est pas tenu à un devoir de conseil mais à un devoir de mise en garde à l’égard de l’emprunteur

Par arrêt du 13 janvier 2015, la Cour de cassation a rappelé que « sauf disposition légale ou contractuelle contraire, la banque n’est pas tenue à une obligation de conseil à l’égard de son client ».

Le banquier est tenu à un devoir d’information. Il doit communiquer les informations nécessaires, notamment les brochures et notices.

Il est tenu à un devoir de mise en garde à l’égard du client non averti en cas de crédit excessif. Il doit présenter les avantages mais également les inconvénients du prêt ou de l’investissement envisagé. Le cas échéant, il doit refuser l’opération si elle comporte un risque excessif.

Le banquier est tenu à un devoir d’explication depuis la loi du 1er juillet 2010 en matière de crédit à la consommation, ce qui inclut le crédit immobilier.

Il est tenu également à un devoir d’éclairer en droit de l’assurance en expliquant la portée des clauses d’exclusion de responsabilité à l’assuré qui doit savoir dans quels cas il ne sera pas couvert.

Ce devoir d’éclairer devrait s’appliquer également en cas de montages financiers complexes présentant un risque financier particulier – prêts à taux indexés sur le franc suisse ou le yen japonais, prêts in fine adossés à une assurance-vie ou à une opération de défiscalisation.

En revanche, le banquier n’est pas tenu à un devoir de conseil. Il n’a pas à conseiller son client de réaliser ou non tel investissement ou souscrire tel prêt, sauf mandat exprès.

 

Civ. 1ère, 13 janvier 2015, 13.25.856

 

 

 

 

Devoir d’information de la banque en matière d’assurance

Par arrêt du 10 septembre 2015, la première chambre civile de la Cour de cassation a jugé que la banque, agissant en qualité d’intermédiaire en assurance, est tenue d’informer son client sur la possibilité de souscrire une assurance décès, invalidité, incapacité de travail ou perte d’emploi, lors de la conclusion de tout type de prêt.

Le banquier doit attirer l’attention de l’emprunteur sur l’opportunité de garantir tel ou tel risque.

Cette obligation s’ajoute à l’obligation d’éclairer l’emprunteur sur « l’adéquation des risques couverts à sa situationpersonnelle » (Ass. Plen. 2 mars 2007).

La banque ne peut pas se contenter de distribuer une notice standardisée de la police d’assurance mais doit présenter les avantages et les inconvénients liés à celle-ci.

Elle doit également la recommander.

A défaut, la banque doit être sanctionnée à indemniser le préjudice subi par l’emprunteur qui est constitué par la perte de chance de n’avoir pas contracté ladite assurance.

Dans le cas d’espèce, la banque a été condamnée à régler à l’emprunteur la somme de 400.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Cass. 1ère civ. 30 septembre 2015, n° de pourvoi: 14-18854

 

 

 

 

La banque n’est pas tenue à un devoir de mise en garde à l’égard de l’emprunteur solvable

Par un arrêt du 23 septembre 2014, la chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé que la banque n’est pas tenue à un devoir de mise en garde à l’égard de l’emprunteur solvable qui ne présentait aucun risque de surendettement compte tenu de la valeur de son patrimoine et de sa capacité financière au moment où le prêt a été consenti.

Cass. Com 23 septembre 2014, n°13-22/475, n°830

Taux effectif global erroné – Les frais de notaire liés à l’acquisition du bien ne doivent pas être pris en compte

Par arrêt du 1er octobre 2014, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation précise l’assiette des frais devant être retenus dans le calcul du taux effectif global.

S’agissant des frais de notaire, la loi prévoit que ceux-ci doivent être pris en compte lorsque leur montant peut être indiqué avec précision avant la conclusion définitive du contrat de prêt (L. 312-4 et 312-8 du Code de la consommation).

Dans cette affaire, la Cour d’appel de Nancy était saisie d’une affaire opposant une banque à un emprunteur qui avait cessé de régler ses mensualités de remboursement à bonne date.

La banque a donc engagé une procédure de saisie immobilière contre les emprunteurs.

Les emprunteurs ont contesté la régularité du taux effectif global et sollicité la substitution du taux d’intérêt conventionnel au taux d’intérêt légal en prétextant que les frais notariés, qui étaient indiqués avec précision avant la signature de l’acte, n’avaient pas été inclus dans le TEG.

La Cour d’appel fait droit aux demandes des emprunteurs et sanctionne la banque qui forme un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation casse l’arrêt aux motifs que les frais de notaire liés à l’acquisition du bien immobilier, qui sont distincts de ceux liés à l’affectation hypothécaire, ne devaient pas pris en compte dans le calcul du TEG.

Il conviendra donc de justifier devant les juridictions saisies la nature des frais notariés et distinguer ceux-ci en deux catégories.

Seuls ceux liés à la prise de garantie et dont le montant est connu avant l’acte doivent être retenus dans le calcul du TEG.

Civ. 1ère. 1er octobre 2014, n°13-22.320

Crédit agricole, UBS… les prêts immobiliers en francs suisses envahissent les tribunaux

Le tribunal de grande instance de Metz jugeait ce jeudi le conflit opposant le Crédit agricole de Lorraine à des clients, qui lui reprochent la vente de désastreux prêts immobiliers en francs suisses. En Alsace, plusieurs emprunteurs accusent, eux, UBS d’avoir annulé unilatéralement leurs prêts, avec des conséquences catastrophiques.

Ni les banques, ni les tribunaux n’en ont fini avec les prêts immobiliers toxiques, ces emprunts contractés en francs suisses par des particuliers à la fin des années 2000. Mediapart a récemment montré comment, entre 2007 et 2009, la BNP a largement minoré le risque dans les documents qu’elle utilisait pour former ses intermédiaires et pour appâter ses clients. Les prêts immobiliers étaient présentés comme très peu risqués, offrant des conditions financières imbattables. Près de 500 plaintes ont été déposées, au pénal comme au civil, contre la banque française. Mais elle n’est pas seule à être visée, et les salles d’audience voient se multiplier les procédures dans ce type d’affaires.

Ce jeudi, s’est ouvert au tribunal de grande instance de Metz la première audience dans le procès intenté contre le Crédit agricole de Lorraine par une petite quarantaine de ses clients, pour les mêmes motifs : la banque n’aurait reculé devant aucun moyen pour convaincre ses riches clients d’investir via des prêts en francs suisses. Autre dossier judiciaire, à front renversé cette fois, en Alsace : des emprunteurs accusent au contraire la banque helvète UBS, qui leur offrait elle aussi des prêts en francs suisses, de les avoir brutalement sortis de ses comptes. En quelques mois, ils ont été priés de rembourser la totalité du montant prêté. Certains ont retrouvé en urgence un prêt dans une nouvelle banque. D’autres ont dû vendre leur maison, parfois contraints en justice par la banque. Le procédé est légal en Suisse, mais peut être considéré comme abusif en France, assurent leur avocat. Le mic-mac transfrontalier est total.

En Lorraine au moins, les choses sont claires. En 2007 et 2008, environ 250 clients se sont vu offrir une offre censément mirobolante, proposée par la caisse locale du Crédit agricole, et vendue par des conseillers de gestion en patrimoine indépendants. Comme l’a bien raconté Libération, le principal produit financier proposé, baptisé « Paradise Rock », était censé permettre de financer de « magnifiques villas de haut standing » aux Antilles, qui servaient surtout à accumuler les ristournes fiscales. Les clients alléchés versaient une mensualité en euros, qui servait en fait à rembourser le capital et payer les intérêts en francs suisses.

Problème, tout comme la BNP, la banque avait fermé les yeux sur la possibilité que la parité entre l’euro et le franc suisse s’effondre. Ce qui n’a pas manqué d’arriver. Depuis 2008, l’euro a perdu entre 25 et 30 % de sa valeur face à la monnaie helvétique. Résultat pour les clients ayant contracté un crédit en francs suisses mais le remboursant en euros : non seulement la somme fixe qu’ils versent tous les mois leur permet en fait de rembourser entre 25 et 30 % d’intérêts en moins ; mais surtout, le capital initial qu’ils doivent rembourser a augmenté dans les mêmes proportions !

Réunies autour de l’avocat Arnaud Métayer-Mathieu, une soixantaine de personnes ont déjà attaqué le Crédit mutuel au civil. Une moitié d’entre eux passent aujourd’hui au pénal. Contrairement aux clients de la BNP, ils ne peuvent pas s’appuyer principalement sur l’argument d’un défaut de conseil : même si la hausse du franc suisse n’avait pas été prévue dans les proportions atteintes, le Crédit mutuel avait distribué plusieurs documents alertant les emprunteurs sur ce « risque de change ». « Nous estimons avoir agi dans le respect de toutes les normes réglementaires en vigueur », affirme la banque à Mediapart. Elle rappelle par ailleurs que les particuliers concernés exercent des professions libérales, sont parfois notaires, ou chefs d’entreprise notaires. Une clientèle « avisée », « plutôt patrimoniale », parfaitement au fait des possibilités de « risque de change ».

Ce n’est bien sûr pas l’avis de l’avocat des emprunteurs. « Si des informations complètes ont bien été délivrées à certains clients, elles ne l’ont pas été pour tous, assure-t-il. Et dans la pratique, les avantages de ce type de crédit étaient très appuyés dans les argumentaires des commerciaux, et les risques encourus systématiquement minimisés. » Mais ce n’est pas le principal argument juridique qu’il développe. Il accuse surtout la banque de démarchage illicite, estimant que les conseillers financiers et les gestionnaires de patrimoine n’ont respecté « aucune des nombreuses règles légales qui encadrent le démarchage pour vendre des produits financiers, qui plus est lorsqu’ils sont aussi risqués ». L’enjeu est d’importance. « En conséquence de la nullité du contrat, les banques seraient tenues de restituer aux emprunteurs l’intégralité des sommes versées et les emprunteurs n’auraient à rembourser que le seul capital emprunté, sans les intérêts ni les pertes de change. » Consciente des risques, la banque multiplie, parfois avec succès, les tentatives pour trouver des accords financiers avec ses clients mécontents, n’hésitant pas à prendre à sa charge la quasi-intégralité des pertes de change contre l’abandon des poursuites.

Le Crédit agricole à la manœuvre

Selon les documents et témoignages rassemblés par les clients mécontents, que Mediapart a pu consulter, il apparaît que la banque était largement à la manœuvre dans la commercialisation des prêts litigieux, envoyant des clients potentiels aux conseillers indépendants qui vendaient les offres, s’impliquant dans la démarche commerciale, et se déplaçant régulièrement au travail ou au domicile des « cibles » pour les convaincre. Voilà qui constitue le démarchage illicite, selon l’avocat des emprunteurs. La banque, elle, dément en bloc : « Nous estimons avoir fait les choses dans les règles de l’art. Nous n’avons pas vocation à monter ce type d’opérations. Des liens entre certains de nos employés et les conseillers en gestion de patrimoine ne sont bien sûr pas exclus, mais nous n’avons jamais pris d’initiative pour prescrire formellement ces offres. »

Pourtant, au vu des échanges de courriers et d’e-mails entre un salarié de la banque et des représentants d’un conseiller en gestion de patrimoine, il semble assez clair que la banque pouvait adresser elle-même à son sous-traitant des noms de clients susceptibles d’être intéressés par les offres, et les incitait à se rendre à des réunions de présentation. La société de conseil se déplaçait ensuite pour tenter de convaincre le client potentiel sur son domicile ou son lieu de travail, et il n’était pas rare qu’un salarié du Crédit agricole l’accompagne. Dans son dossier, Arnaud Métayer-Mathieu dispose du témoignage d’un ancien salarié du Crédit agricole, qui certifie que ces déplacements étaient « une pratique courante » des banquiers.

Une fois le prêt signé, la société de conseil se rémunérait grâce à des commissions, versées par l’emprunteur et par le Crédit agricole. En revanche, assure la banque, répétant l’argument plusieurs fois à Mediapart, « nous n’avons jamais touché de commissions ». Et pourtant, dans un e-mail de mars 2007, un de ses salariés écrivait à l’un de ses correspondants, gestionnaire indépendant : « Pouvez-vous me rappeler quelles sont nos commissions sur les 2 dossiers P Rock [Paradise Rock, ndlr] que nous vous avons apportés ? »

En 2009, UBS décide d’arrêter les prêts immobiliers aux Français

Démarchage illicite ou fonctionnement banal d’une entreprise de commercialisation de produits financiers, les juges devront trancher. Tout comme ils devront se plonger dans les méandres des prêts franco-suisses qui ont fleuri en Alsace du milieu des années 1990 à la fin des années 2000. Dans cette région proche de la frontière suisse, alors que la crise financière de 2008 était encore loin, des dizaines de particuliers (autour de Colmar et de Mulhouse principalement) avaient en effet compris l’intérêt de faire appel aux banques helvètes toutes proches, le cours du franc suisse étant stable depuis longtemps, et les conditions offertes particulièrement alléchantes. « Les taux extrêmement avantageux proposés nous permettaient de diviser par deux les mensualités », témoigne François Long, un chef d’entreprise qui a emprunté 700 000 francs suisses dès 1997 auprès de la Société des banques suisses (SBS), qui a fusionné avec UBS l’année suivante.

Combien sont-ils à avoir fait la même chose ? L’Alsacien estime que SBS puis UBS ont signé 250 prêts en quelques années, et appelle les autres emprunteurs à rejoindre un collectif créé pour l’occasion. La banque ne veut ni confirmer, ni infirmer ce chiffre. Elle ne souhaite d’ailleurs pas réagir publiquement sur des dossiers judiciaires en cours. Les emprunteurs sont en tout cas nombreux à avoir signé un peu vite les contrats proposés par la banque, régis par le droit suisse. Car, comme c’est la règle à Genève ou à Bâle, un article prévoit que « la présente convention de crédit peut être dénoncée en tout temps de part et d’autre, moyennant un préavis de 3 mois ». Autrement dit, la banque peut exiger le remboursement total des sommes prêtées en toute urgence. D’autant que cet étonnant article du contrat précise que « le capital et les intérêts deviennent immédiatement exigibles, si bon semble à la banque », lorsque les informations personnelles fournies par les emprunteurs sont incomplètes ou s’ils ont un retard de plus d’un mois dans le paiement de leurs mensualités.

En résumé, si la banque change d’avis et ne souhaite plus prêter d’argent, ou si l’emprunteur subit une difficulté financière passagère, ce dernier peut être appelé à rembourser très rapidement les sommes prêtées. Et tant pis s’il ne trouve pas une nouvelle banque pour lui prêter à nouveau la somme qu’il doit rembourser. C’est justement ce qui est arrivé aux clients français d’UBS, dont certains ont dû vendre leur maison pour faire face à la situation. En février 2010, Patrick Scholz a ainsi reçu une lettre l’avertissant du retrait d’UBS du marché français. « Nous vous informons que dans le cadre de l’examen de la palette des services qu’elle met à disposition de ses clients, UBS SA a décidé, après une analyse approfondie, de renoncer aux financements sur des immeubles en France tant pour les nouvelles affaires que les affaires existantes, indiquait le courrier. Nous comprenons que cette décision peut entraîner certain désagrément, mais malheureusement nous ne pouvons aller à son encontre. »

Brigitte et Charles Weber, qui avaient contracté trois prêts entre 1998 et 2004 pour un montant total de 575 000 francs suisses (soit environ 475 000 euros aujourd’hui), ont reçu un courrier du même type sept mois plus tard, après avoir demandé des explications à la banque à la suite de rumeurs circulant à ce sujet. « UBS SA a décidé, en septembre 2009, de se retirer totalement du marché hypothécaire français et de ne plus faire de nouvelles affaires, annonçait la banque. Nous sommes à la recherche d’un partenaire optimal pour éventuellement vous offrir un financement relais à l’échéance de votre taux fixe. » « Partenaire » qui ne s’est jamais manifesté. Ils ont alors décidé d’arrêter de payer leur prêt, ce qui a abouti à sa dénonciation de la part de la banque, en mai 2011, avec une échéance quatre mois plus tard. Dans les dossiers que nous avons pu consulter, la banque a généralement doublé le délai légal des trois mois pour que les particuliers remboursent, sauf lorsqu’ils étaient en retard dans leur paiement.

Pourquoi la banque a-t-elle décidé de quitter le marché français ? Elle n’a pas souhaité nous répondre, mais il existe plusieurs hypothèses. « En 2008-2009, avec la crise financière, UBS a perdu beaucoup d’argent sur les marchés internationaux, indique un assureur alsacien, familier de ces dossiers. Pour les bureaux suisses de la banque, il est devenu clair qu’ils devaient arrêter de faire des prêts en France, peu rentables et compliqués à gérer. » Il n’est pas interdit d’envisager une autre possibilité. Fin 2009, UBS est en plein scandale américain. Deux ans plus tôt, sa filiale américaine a été prise en train d’organiser l’évasion fiscale de riches clients. Un salarié, Bradley Birkenfeld, a accepté de collaborer avec la justice, qui contraint en 2009 UBS à payer 780 millions de dollars d’amende, et de livrer au fisc des détails sur 4 450 de ses clients américains. À cette date, la banque décide de faire le ménage un peu partout dans ses pratiques, y compris en France, où nous avons déjà longuement raconté ses méthodes (qui lui valent aujourd’hui d’être mise en examen pour blanchiment aggravé de fraude fiscale). Peut-être a-t-elle alors décidé de séparer nettement ses activités suisses et françaises, pour mettre fin à toute ambiguïté.

« Je ne paierai jamais ma dette, j’ai tout perdu »

Toujours est-il que les emprunteurs ont dû très vite retrouver de l’argent pour rembourser les sommes prêtées par la banque. « J’avais quelques mois pour trouver plusieurs centaines de milliers d’euros, et tout payer, se souvient Patrick Scholz. Sinon, ils vendaient ma maison. Je n’ai pas trouvé de nouveau prêt, mais j’ai réussi à vendre moi-même ma maison, très vite. Mais ça n’a pas tout couvert, et j’ai dû reprendre deux petits prêts pour couvrir la différence. Je les paye toujours. »

D’autres n’ont pas eu cette chance. Thierry Groll, par exemple, dont la maison a été vendue le 11 juillet dernier, sur décision de justice, pour rembourser le prêt de 500 000 francs suisses (soit à l’époque 330 00 euros environ, 415 000 aujourd’hui) qu’il avait contracté en 2005. Son prêt a été rompu le 30 novembre 2010. Il pensait avoir réussi à négocier un délai pour se retourner, mais la banque a accéléré la procédure après qu’il eut payé en retard un versement trimestriel (il plaide un problème technique dans le virement bancaire, qui arrivait régulièrement, assure-t-il).

« Ma maison a été mise à prix 228 000 euros, et vendue 250 000 euros, alors qu’elle avait été estimée aux alentours de 500 000 euros quelques jours plus tôt par des agents immobiliers », regrette-t-il. Alors qu’en 8 ans, il lui a versé plus de 200 000 euros, il doit encore presque 200 000 euros à la banque, même après la vente de sa maison. Qu’il conteste d’ailleurs en justice. « Je suis encore dans la maison, et je ne bougerai pas. D’ailleurs, je ne paierai jamais ma dette restante, rage-t-il. Je suis dans le flou total, je ne sais pas du tout où je vais. J’ai tout perdu. »

Les Long ont aussi vu leur maison vendue, en mai 2011, mais ils l’occupent toujours, en multipliant les recours. La justice française a néanmoins jugé que leur prêt était soumis à la législation suisse. L’adjudication forcée a été confirmée en première instance, puis en deuxième instance et en cassation. Brigitte et Charles Weber ont, eux, réussi à faire annuler par la justice, en mars 2014, la vente forcée de leur résidence. Pour l’heure, le tribunal a lui aussi jugé que « les contrats de prêts sont soumis au droit suisse » et qu’« il n’est pas démontré (…) que la dénonciation des prêts par la banque est fautive ». En revanche, le juge a estimé qu’il fallait suspendre la vente forcée parce qu’une nouvelle procédure judiciaire a été engagée sur le fond pour contester la validité des contrats de prêt.

Les époux Weber et Groll sont aujourd’hui défendus par l’avocat David Dana, qui compte dénoncer l’article des contrats indiquant qu’ils peuvent être annulés « en tout temps » par la banque et par les clients, et que la banque peut le faire dès qu’un versement n’a pas été effectué par les emprunteurs. Dans le droit français, une telle clause est considérée comme abusive, et donc caduque de fait. Or, l’avocat estime que « malgré l’application de la loi suisse, les emprunteurs peuvent invoquer l’application des dispositions protectrices françaises ». Ils pourraient ainsi faire annuler cet article litigieux, et demander des dommages et intérêts pour le préjudice subi.

L’avocat compte s’appuyer sur un texte européen de 1980, la « convention de Rome », qui prévoit dans son article 5 que le choix d’un consommateur européen de signer un contrat de droit étranger « ne peut avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle ». Il se heurtera néanmoins à une vraie difficulté : lorsque les époux Long ont contesté l’adjudication forcée de leur maison, ils avaient déjà présenté cet argument. Et la cour de cassation avait décidé, en décembre 2010, que la convention de Rome ne pouvait pas s’appliquer à leur cas, car ils « ne rapportaient pas la preuve de l’existence » d’un démarchage sur le sol français, ni celle de « publicité ou d’actes précontractuels réalisés en France ». Cette fois, il faudra présenter les preuves.

11 septembre 2014 |  Par Dan Israel