Revirement de jurisprudence – Annulation des prêts en francs suisses consentis par les Caisses de Crédit Mutuel

Sous l’influence du droit européen, les décisions récentes de la Cour de cassation rendues en matière de prêts en devises sont désormais favorables aux emprunteurs.

Par arrêt rendu le 7 septembre 2022, la Cour de cassation a cassé un arrêt d’appel qui avait retenu que les clauses de deux prêts in fine en francs suisses remboursables en francs suisses consentis par la Caisse de Crédit mutuel Mulhouse Europe étaient « claires et compréhensibles dès lors qu’elles précisaient, en des termes intelligibles, les modalités de l’amortissement de ces deux prêts avec conversion de la somme due en euros selon un taux de change, que les emprunteurs ont reçu une information au moyen d’un document signé le 1er février 2008 dans lequel la banque appelait leur attention sur les points particuliers de cette convention et notamment sur les risques d’évolution d’un capital placé sur un support spéculatif et les risques de change liés au cours du franc suisse, et qu’ils étaient en capacité d’apprécier la nature et la portée de leurs engagements et de mesurer les risques encourus en cas de dépréciation de l’euro par rapport au franc suisse ainsi que les conséquences induites sur leurs obligations financières ». 

La décision rendue par la Cour d’appel a été cassée par la Cour de cassation car les juges n’ont pas recherché si « la banque avait fourni aux emprunteurs des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur leurs obligations financières pendant toute la durée du contrat, dans l’hypothèse d’une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle ils percevaient leurs revenus par rapport à la monnaie de compte, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision » (Civ. 1ère, 7 septembre 2022, pourvoi n° 21 15 199, à propos de prêts en francs suisses consentis par la Caisse de Crédit Mutuel de Mulhouse Europe).

Il résulte de cette décision que la Cour de renvoi devra statuer sur le caractère abusif des clauses des prêts du Crédit Mutuel au regard des critères d’exigence de transparence posés par la Cour de justice de l’Union européenne.

Cette décision suit une autre décision rendue le 30 mars 2022 par la Cour d’appel de Paris qui a également annulé des prêts en francs suisses consentis par la Caisse de Crédit Mutuel Région d’Altkirch en se fondant sur le droit des clauses abusives.

Elles s’inscrivent dans le cadre du revirement de jurisprudence opéré depuis mars 2022 par une série d’arrêts favorables aux emprunteurs.

En cas de nullité des prêts en francs suisses, l’emprunteur serait contraint de restituer uniquement la contrevaleur en euros des sommes empruntées, fixée au cours de change applicable à la date de conclusion des contrats et la banque devrait restituer en contrepartie les amortissements, les intérêts, les commissions et les primes d’assurance emprunteur perçues au titre des contrats depuis leurs dates d’effet. Une compensation s’opèrerait et toutes les sommes versées par l’emprunteur s’imputeraient sur sa dette en euros.

Au-delà du montant emprunté en euros, la banque devrait lui restituer le trop-perçu.

A titre d’exemple, en cas de nullité, l’économie réalisée serait supérieure à 150 000 euros pour un prêt de 400 000 francs suisses annulé dans la mesure où la perte de change serait annulée ainsi que les intérêts, les frais, etc.

Les prêts du Crédit Mutuel sont litigieux car ils contiennent des clauses inexactes et abusives qui n’informent pas correctement et suffisamment l’emprunteur du risque de change pouvant être subi en cas de vente du bien financé, dont le prix est en euros.

En cas de prêt in fine, adossé à un contrat d’assurance-vie en euros, le risque de change se réalise à la date de l’échéance finale, lorsque le capital en francs suisses doit être entièrement remboursé au moyen du rachat du placement en euros s’il est suffisant ou de la vente du bien financé en euros.

Le déséquilibre significatif est caractérisé par l’obligation mise à la charge de l’emprunteur de rembourser une somme excédant le capital initialement reçu.

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Prêts en francs suisses – Revirement de jurisprudence – La Cour de cassation juge imprescriptible les actions des emprunteurs de crédits en francs suisses fondées sur le droit des clauses abusives

Le contentieux des prêts en franc suisse regroupe plusieurs types de prêts : ceux remboursables exclusivement en euros et ceux remboursables en francs suisses et en euros.

Les prêts litigieux sont les suivants :

  • Les prêts en franc suisse souscrits auprès de banques françaises par les frontaliers suisses, ayant des revenus en francs suisses,
  • Les prêts souscrits par des emprunteurs démarchés par des conseillers en gestion de patrimoine ou par des banques  françaises afin de réaliser un investissement locatif, adossé à un mécanisme d’optimisation fiscale. En général, les emprunteurs n’avaient pas de revenus en francs suisses,
  • Les emprunts structurés souscrits auprès de banques françaises composés d’un prêt « in fine« , en francs suisses, non amortissable, adossé à un contrat d’assurance vie en unités de compte, composées d’obligations, d’actions et autres valeurs mobilières,
  • Les crédits multidevises souscrits auprès de banques étrangères, remboursables dans plusieurs devises,
  • Les contrats dits « Equity Release » composés de prêts en francs suisses ou mutlidevises souscrits auprès de banques généralement étrangères.

Ces prêts sont préjudiciables pour l’emprunteur car le cours EUR/CHF a évolué depuis plus de 15 ans, de 1,60 CHF environ pour 1 EUR en 2007 à quasiment la parité aujourd’hui, 1,03 CHF pour 1 EUR.

 Les effets de la chute de l’euro par rapport au franc suisse sont importants pour ces emprunteurs car leur dette d’emprunt a augmenté dans la même proportion que l’appréciation du franc suisse, à savoir de 60% dans l’exemple susvisé.

Le préjudice financier peut être très important, notamment pour les prêts in fine dont le capital n’est pas amorti pendant leur durée.

Pour les prêts amortissables, la contrevaleur en euros du capital restant dû représente parfois la contrevaleur en euros initiale du prêt, malgré plusieurs années de remboursement.

Parfois, il est plus important, de sorte que la vente du bien financé ne permet pas de rembourser le capital restant dû du prêt.

Les pertes financières provoquées par ces prêts en francs suisses sont donc parfois considérables et placent les emprunteurs dans des situations jugées souvent dramatiques.

De nombreux emprunteurs ont ainsi saisi les juridictions compétentes afin de faire valoir leurs droits car plusieurs moyens peuvent être soutenus. 

Par 5 arrêts rendus le 30 mars 2022, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en jugeant que : 

  • les actions intentées par les emprunteurs de prêts en francs suisses, remboursables en euros, fondées sur le droit des clauses abusives étaient imprescriptibles, de sorte que les emprunteurs sont recevables à agir, y compris plusieurs années après la conclusion des prêts ; 
  • si le banquier n’avait pas informé concrètement les emprunteurs du risque de perte de change, notamment par des simulations de variation du cours EUR/CHF,  la clause mettant la totalité de la perte de change à la charge de l’emprunteur pouvait être jugée abusive.

Si la clause relative à la perte de change est jugée abusive, le contrat de prêt en francs suisses peut ainsi être annulé.

Dans ce cas, l’emprunteur ne devrait restituer à la banque que la contrevaleur en euro reçue à la signature du prêt, déduction faite de l’ensemble des intérêts, amortissements, primes d’assurance versés par lui pendant sa durée.

La perte de change est ainsi annulée ainsi toutes les charges d’emprunt.

Ces décisions sont très favorables et devraient concerner l’ensemble des emprunteurs de prêts en franc suisse, notamment les frontaliers suisses.

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Prêts en francs suisses – Condamnation de la BNP Personal Finance à indemniser 2.300 emprunteurs ayant souscrit des prêts en CHF

Par jugement rendu le 26 février 2020, la 13ème chambre correctionnelle du Tribunal judicaire de Paris a déclaré la société BNP Paribas Personal Finance coupable de pratique commerciale trompeuse pour avoir commercialisé, en France, des prêts libellés en francs suisses et remboursables en euros.

La société BNP Paribas Personal Finance a conçu et commercialisé le prêt Helvet Immo, un prêt à taux variable à long terme, sur 20 ou 25 ans, alors que la crise des subprimes avait débuté, que le franc suisse commençait à s’apprécier par rapport à l’euro, que les taux d’intérêt des prêts à taux variables avaient connu tout au long de l’année 2007 une remontée progressive entraînant une inversion de la courbe des taux.


L’abstention de la banque de faire figurer clairement le risque de change et ses conséquences dans l’offre de prêt s’apparente à une pratique déloyale et un manquement à la diligence professionnelle.

La banque est condamnée à verser aux emprunteurs un préjudice financier correspondant à une partie importante de la perte de change subie du fait de l’appréciation du CHF par rapport à l’EURO, outre un préjudice moral et une partie des frais d’avocat.

Ces prêts en francs suisses ont été généralement souscrits par des emprunteurs démarchés par des intermédiaires, conseils en investissements financiers, conseils en gestion de patrimoine, dans le cadre d’un investissement locatif bénéficiant d’un dispositif de défiscalisation.

Néanmoins, le capital restant dû était soumis au risque de change en cas d’appréciation du CHF par rapport à l’EURO.

La caractéristique principale de ces prêts en francs suisses à taux d’intérêt variable révisable, était que la somme était empruntée en francs suisses mais devait être remboursée en euros.

Les emprunteurs supportaient donc deux risques : le risque de perte de change en
cas d’évolution de la parité euros/CHF et le risque lié à l’évolution du taux
d’intérêt.

Le risque de change était à la charge exclusive des emprunteurs.

En cas de dépréciation de l’euro par rapport au franc suisse, les emprunteurs
supportent les risques de deux façons : d’abord par l’allongement de la durée de
remboursement du prêt jusqu’à 5 ans puis par l’augmentation des mensualités si
nécessaire pour respecter la période de rallongement de 5 ans.


Or, les emprunteurs parties civiles n’avaient pas compris au moment de l’acceptation de l’offre, l’existence et l’ampleur du risque de change qui leur a été dissimulé ou expliqué de manière inintelligible dans l’offre de prêt qu’ils ont signée et dans le discours qui leur a été tenu lors de la commercialisation.

Que ce soit dans les documents ou les discours commerciaux, l’argument
majeur était « la stabilité du franc suisse ».

La stabilité du taux de change avait été mise en avant par l’ensemble des collaborateurs ou des intermédiaires entendus, comme étant de nature à protéger le client d’une augmentation du capital restant dû.

L’ACP dans sa recommandation du 6 avril 2012 considère que les crédits en
devises sont des crédits comportant un risque particulier nécessitant des précautions d’information renforcées à l’égard du client.


La forte appréciation du franc suisse a contribué au risque de déflation. En
outre, les banques qui ont prêté en franc suisse en dehors de la Suisse avaient besoin de liquidités en franc suisse, ce qui a créé une tension à la hausse sur les taux d’intérêt du marché interbancaire en franc suisse.

La stabilisation du franc suisse par l’intervention de la Banque Nationale
Suisse démontre les inquiétudes importantes du marché à cette date quant aux risques de décrochage du franc suisse.

Dans une étude de l’OCDE d’octobre 2007, il est indiqué que « les
autorités devraient se préparer à la forte appréciation du franc suisse ».


Dans son rapport intitulé 100ème rapport de gestion pour l’année 2007, la Banque Nationale Suisse évoque l’évolution du cours de change en ces termes « cette évolution a de plus été marquée par plusieurs périodes de volatilité accrue ».


Dans son bulletin trimestriel de mars 2008, la Banque Nationale Suisse indique que cette « revalorisation du franc [avait] entraîné un ralentissement sensible des exportations réelles » et que « depuis le dernier examen de la situation économique et monétaire, le franc suisse s’est revalorisé fortement…face à l’euro il a gagné environ 6% entre la mi-décembre 2007 et la mi-mars 2008 ».


Dans son bulletin trimestriel de décembre 2008, la Banque Nationale Suisse indique que « la BNF a recouru, depuis le mois d’août 2007 à diverses mesures pour contrer les tensions accrues sur le marché monétaire. Ces mesures ont été adoptées en accord avec d’autres banques centrales […] ».

Dans son bulletin de mars 2009, la Banque Nationale Suisse évoque « son intention de provoquer une nouvelle baisse des taux d’intérêts et d’empêcher une appréciation supplémentaire du franc face à l’euro », « la valeur du franc a nettement progressé depuis le déclenchement de la crise en août 2007.


Les différentes statistiques permettent de relever les valeurs moyennes suivantes pour le cours de l’euro par rapport au franc suisse :

⁃ 2007 : 1,6427
⁃ 2008 : 1,5873
⁃ 2009 : 1,5100
⁃ 2010 : 1,3803
⁃ 2019 : 1,1163

– 2020 : 1,06.

Ce risque de perte de change est supporté également par les frontaliers ayant souscrit des prêts en francs suisses afin de financer l’acquisition de leur résidence principale en France.

Le bien immobilier situé en France acquis au moyen d’un prêt en franc suisse a une valeur en euro.

En cas de vente de sa résidence principale, avant le terme du prêt, généralement d’une durée de 25 ans, l’emprunteur frontalier doit rembourser par anticipation le capital restant dû d’un prêt en CHF au moyen d’euros.

La perte de change subie par l’emprunteur peut alors être d’un montant substantiel.

La contrevaleur en euros du capital restant dû en franc suisse excède parfois la contrevaleur du principal emprunté et ce, malgré un amortissement de plusieurs années.

En cas de prêt en franc suisse « in fine », non amortissable, la contrevaleur en euros du principal emprunté augmente proportionnellement à l’appréciation du CHF, soit de 60% environ.


Les recours judicaires sont donc possibles. Cette décision permet de mettre en lumière les graves manquements commis lors de la commercialisation des prêts en francs suisse.

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Contact

Selarl DANA AVOCATS



Me Dana, interrogé par David Talerman, fondateur du blog travailler-en-suisse.ch

Reproduction de l’article paru sur le blog travailler-en-Suisse.ch

https://blog.travailler-en-suisse.ch/07/2017/maitre-david-dana-avocat-banques-frontaliers.html

Maître David Dana, l’avocat qui fait trembler les banques des frontaliers [Interview]

Article rédigé le 27 juillet 2017

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Maître David Dana est un avocat établi à Paris, spécialisé dans le contentieux bancaire et financier. Il conseille et accompagne plusieurs clients frontaliers dans leurs contentieux contre des banques de frontaliers ayant commercialisé des prêts en franc suisse. Il nous explique dans une interview ces affaires.

Dans plusieurs affaires récentes opposant le Crédit Agricole à des clients frontaliers, la Cour d’appel de Metz a annulé des prêts en devises, obligeant ainsi la banque à rembourser les intérêts et à prendre en charge le différentiel de change entre la souscription du prêt et sa conclusion.

David Talerman : Maître Dana, pourriez-vous en quelques mots nous commenter cette affaire ?

Les prêts en franc suisse se sont révélés être des prêts toxiques compte tenu de l’appréciation de 60 % environ du franc suisse par rapport à l’euro sur une période de 10 ans et de la réalisation du risque de change qui est supporté seul par l’emprunteur.

De nombreux emprunteurs ont ainsi assigné leurs banques devant les tribunaux français afin de contester la validité et les effets négatifs de ces prêts. Les prêts en devise peuvent être des prêts à taux fixe ou variable avec indexation sur le Libor franc suisse. Ils peuvent être également des prêts structurés avec une opération sur produits dérivés, des swaps de taux, des contrats d’option, etc.

Il peut exister en conséquence plusieurs risques : le risque de change et le risque de taux.

Le contentieux qui nous intéresse ici est le cas où des banques françaises ont commercialisé auprès de particuliers français résidant en France des prêts libellés en franc suisse remboursables en franc suisse. Par une série d’arrêts rendus le 6 avril 2017, la Cour d’appel de Metz a jugé que si le contrat de prêt est un contrat interne, sans aucun lien d’extranéité, il ne peut pas être remboursé dans une devise étrangère à celle en vigueur dans l’Union européenne.

Les faits étaient les suivants : le prêteur était une banque française, l’emprunteur était un résident français, le prêt était affecté au financement d’un bien immobilier situé en France, les fonds était mis à disposition en France et les remboursements devaient s’effectuer en France.

Le contrat de prêt n’était en conséquence pas un contrat « international » mais un contrat interne, c’est à dire « franco français ».

La clause contractuelle obligeant l’emprunteur à régler ses mensualités en devise étrangère, en franc suisse, a en conséquence été jugée nulle car elle portait atteinte au cours légal de la monnaie en vigueur au sein de l’Union Européenne. Compte tenu du caractère déterminant de cette clause, la cour d’appel a jugé que la nullité de cette clause emportait la nullité de l’ensemble du contrat, ce qui a pour effet de replacer les parties dans l’état où elles étaient avant sa signature.

Les parties sont remises dans leur état antérieur : l’emprunteur est donc contraint de restituer les fonds reçus de la banque qui est tenue en contrepartie de lui restituer l’ensemble des sommes reçues.

Ces décisions ne sont néanmoins pas définitives. La Cour de cassation se prononcera prochainement sur leur portée.

A lire le résumé de la décision de la Cour, cette décision est très lourde pour la banque prêteuse. Pourquoi, selon vous, une décision aussi sévère ?

Les prêts en devise sont désormais encadrés par la loi de séparation et de régulation des activités bancaires n° 2013-672 du 26 juillet 2013. Il n’y a plus de problème depuis son entrée en vigueur.

L’article L. 313-64 du code de la consommation pose le principe d’interdiction de souscription par les personnes physiques d’emprunts immobiliers libellés dans une monnaie étrangère à l’Union européenne.

Il prévoit que « Les emprunteurs ne peuvent contracter de prêts libellés dans une devise autre que l’euro, remboursables en euros ou dans la devise concernée, que s’ils déclarent percevoir principalement leurs revenus ou détenir un patrimoine dans cette devise au moment de la signature du contrat de prêt, excepté si le risque de change n’est pas supporté par l’emprunteur ».

Cet encadrement juridique spécifique va tarir ce contentieux pour l’avenir.

Les contentieux en cours portent donc sur les prêts conclus antérieurement à l’entrée en vigueur de cette loi et son décret d’application. Les magistrats peuvent néanmoins être tentés d’intégrer certains effets de cette loi aux contrats passés avant son entrée en vigueur.

Peut-on dire que cette décision va désormais servir de référence pour la suite ?

Il est difficile de savoir quelle décision pourrait avoir plus de portée sur les autres contentieux à venir. L’important pour les emprunteurs est de trouver une issue judiciaire favorable. Les banques de frontaliers seront éventuellement davantage disposées à négocier.

Existe-t-il un délai de prescription pour ce type d’affaire ?

Il faut distinguer selon que l’on invoque la nullité de la clause ou son caractère abusif.

Pour l’annulation de la clause et donc du contrat, le délai est de 5 ans à compter de la conclusion du contrat. Il faut donc que l’emprunteur assigne la banque dans ce délai impératif sauf pour les prêts in fine, adossés à une assurance vie, la Cour de cassation venant de juger que le point de départ du délai de 5 ans est l’échéance finale du contrat, de sorte que les recours sont plus facilement envisageables.

Pour l’appréciation du caractère abusif d’une clause, celle-ci doit être jugée non écrite, de sorte que ce moyen est imprescriptible et peut être soulevé à tout moment.

Pour les prêts in fine, adossés à une assurance vie, la Cour de cassation vient de juger que le point de départ du délai de 5 ans est l’échéance finale du contrat, de sorte que les recours sont plus facilement envisageables.

Si je comprends bien, il est donc primordial d’assigner afin de suspendre la prescription et permettre aux clients de se défendre ?

La prescription ne peut être valablement interrompue que par une action en justice.

Comment se passe en pratique et en quelques mots une affaire comme celle-ci ? Quelle sont les informations que doivent produire les clients ?

L’entier dossier doit être communiqué à l’avocat.

Et pour les clients frontaliers ayant contracté un prêt en devise auprès d’un établissement bancaire en Suisse, est-il aussi possible de recourir à une procédure comme celle-ci ?

Si le prêteur est une banque suisse, d’autres moyens juridiques doivent en conséquence être soulevés.

Le droit européen permet à l’emprunteur consommateur d’assigner la banque en France et de solliciter l’application de certaines dispositions impératives du droit français de la consommation et ce, malgré l’existence de clause prévoyant l’application du droit suisse et la compétence exclusive des juridictions suisses.

Le Code de la consommation français offre ainsi la possibilité au juge de réputer abusive une clause portant sur l’objet du contrat à condition qu’elle ne soit pas rédigée de façon claire et compréhensible et qu’elle créé un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au détriment des emprunteurs.

Une décision récente favorable a été rendue sur ce motif. L’emprunteur n’est donc pas démuni face à une banque suisse.

Plusieurs autres voies de droit sont ouvertes : les vices du consentement, le défaut de mention du TEG ou d’un TEG erroné, l’illicéité de la clause d’indexation, le manquement à l’obligation d’information et au devoir de mise en garde.

Avez-vous observé des différences de comportement entre les banques ? Certaines acceptent-elles de négocier plutôt que d’aller au Tribunal ?

Des accords transactionnels sont naturellement possibles. Néanmoins, il est préférable que les négociations soient menées par des avocats plutôt que par les emprunteurs. Il est possible de s’accorder sur un cours EUR/CHF acceptable pour les deux parties.

Que conseilleriez-vous à un client qui n’a aujourd’hui pas revendu son bien (et qui n’a donc potentiellement pas de préjudice) mais qui ne peut pas le revendre à cause d’un différentiel de change trop important ? Peut-il rentrer en matière ?

S’il envisage de vendre son bien prochainement, il devrait prendre attache avec un conseil.

N’y a-t-il pas un risque de se faire « blacklister » par l’ensemble des banques lorsqu’on rentre dans une telle procédure ?

Je ne le pense pas. On parle ici de faire valoir ses droits. Les banques elles mêmes n’hésitent pas à contester les contrats signés lorsque leurs effets ne leur conviennent pas, notamment en matière de taux d’intérêt négatif.

Biographie de David Dana

David Dana est avocat au Barreau de Paris. Il est titulaire d’un Diplôme d’Etudes Supérieures Spécialisées de Droit Immobilier de l’Université de Paris I – Panthéon Sorbonne et d’une Maîtrise en droit des affaires de l’Université de Paris X.

Avant de fonder Dana Avocats, il a exercé deux ans au sein de l’équipe immobilière du cabinet Lacourte Balas Raquin et quatre ans au sein des départements Corporate Finance des firmes internationales Norton Rose LLP et Hogan Lovells à Paris

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Crédit photo : Fotolia – freshidea

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Catégorie(s) : Salaire et finances

À propos de David Talerman

Je suis un professionnel de l’expatriation et de l’emploi en Suisse.
Je suis l’auteur de Travailler et vivre en Suisse, co-auteur de Décrocher un emploi en Suisse, et fondateur de Travailler-en-Suisse.ch le site de référence pour l’emploi en Suisse.
Je suis aussi occasionnellement chroniqueur pour la Tribune de Genève, et actuellement « Head of Digital & Sales » chez b-Sharpe à Genève.
Je donne dans ce blog ma vision de la Suisse, de l’actu et pas mal de conseils pratiques.

 

La Cour de cassation confirme l’annulation des prêts en franc suisse par un arrêt rendu le 11 juillet 2018

La 1ère chambre civile de la Cour de cassation a confirmé, par un arrêt rendu le 11 juillet 2018, l’annulation des prêts en franc suisse souscrits par un emprunteur français, jugée par la Cour d’appel de Metz le 6 avril 2017, dès lors que :

  • le contrat de prêt en franc suisse (CHF) est un contrat interne, c’est à dire un contrat franco-français,
  • que le contrat de prêt en devise, porte sur la contre-valeur en francs suisses, d’une  somme en euros,
  • qu’il est remboursable par des échéances égales à la contre-valeur
    en francs suisses de certaines sommes en euros,
  • que le remboursement s’opère à chaque échéance par l’achat de devises au comptant sur le marché des changes,
  • le prêteur portant la contre-valeur en euros au débit du compte de l’emprunteur,
  • et que le contrat stipule que le risque de change est supporté en totalité par celui-ci ;
  • qu’il relève que le paiement des échéances, libellées en francs suisses, doit être opéré en devises, soit par l’utilisation de celles figurant au compte ouvert au nom de l’emprunteur, soit par le biais d’un achat ;
  • que l’acquisition impérative de devises par le biais du compte en euros de l’emprunteur faute de devises sur le compte correspondant, démontrait que le prêt n’était remboursable qu’en monnaie étrangère, de sorte que  l’emprunteur ne conservait pas la faculté d’acquitter sa dette dans la monnaie légale, l’euro.

En conséquence, le contrat de prêt en franc suisse :

  • abritait une clause espèces étrangères illicite ;
  • les dispositions du prêt en CHF imposaient à l’emprunteur un remboursement en monnaie étrangère ;
  • l’emprunteur n’était redevable, au titre des restitutions consécutives à l’annulation du prêt, que des fonds « inscrits sur son compte en euros ;
  • l’annulation du prêt imposait à l’emprunteur de restituer, non pas
    des francs suisses éventuellement convertis en euros en fonction du cours du change en vigueur au jour de la restitution, mais le quantum des sommes inscrites sur son compte en euros lors de la mise à disposition,
  • l’annulation du contrat de prêt en franc suisse implique de remettre les parties dans la situation où elles se trouvaient avant l’acte et qu’ainsi, l’emprunteur est tenu de restituer à la banque les fonds crédités en sa faveur sur son compte en euros,
  • si les avis de mise en place du crédit mentionnent que chaque somme libérée est, par suite d’une opération de change effectuée par la banque, la contre-valeur en euros de sommes en francs suisses, ces montants en devises ne sauraient représenter la mesure de l’obligation de restitution, dès lors que la mise à disposition des fonds entre les mains de l’emprunteur a
    été faite en euros ;
  • l’obligation de restitution de l’emprunteur ne portait que sur le quantum des euros perçus de la banque.

 

Cet arrêt rendu par la Cour de cassation confirme la nullité des prêts en franc suisse.

La sanction est très lourde pour la banque,  la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Lorraine, qui est tenue de supporter la totalité de la perte de change et est déchue de la totalité des intérêts conventionnels.

La remise en l’état des parties oblige la restitution de la contrevaleur  en euros initiale du prêt en CHF par l’emprunteur à la banque.

Les cotisations assurance emprunteur (décès, invalidité, incapacité) devront également être remboursées par l’assureur à l’emprunteur.

Le délai de prescription, le délai pour agir, est de 5 ans à compter de la conclusion du prêt, sauf dans le cas de souscription d’un prêt in fine où le point de départ du dudit délai peut être repoussé à la date de « conscience du problème », laquelle peut être fixée au 15 janvier 2015 lorsque la Banque Nationale Suisse a mis un terme au taux plancher de 1 euro pour 1,20 CHF.

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Les activités dominantes du cabinet sont le contentieux bancaire et financier et le droit pénal des affaires.

Nous assistons les emprunteurs et les investisseurs dans le cadre de litiges contre les banquiers, les assureurs et leurs intermédiaires, les prestataires de services d’investissement et les conseillers en investissements financiers.

Les activités dominantes du cabinet sont le contentieux bancaire et financier et le droit pénal des affaires.

Le contentieux des prêts en franc suisse (prêts en CHF) est une activité dominante du cabinet.

 

 

 

Me Dana, avocat au Barreau de Paris, fondateur du cabinet Dana Avocats, interrogé par Capital.fr

Condamnation de la banque UBS – Prêt en CHF – Clause abusive – Droit international prive – Convention de Rome sur la loi applicable

Par jugement rendu le 17 janvier 2018, le Tribunal de grande instance de Colmar a condamné la banque UBS AG à indemniser des emprunteurs de leur préjudice né de la demande de remboursement anticipé d’un prêt immobilier.

Dans cette espèce, la banque suisse UBS a sollicité des emprunteurs le remboursement du prêt avant son terme sur le fondement d’une clause prévoyant la possibilité pour la banque de dénoncer le prêt moyennant un préavis de trois mois.

Le contrat de prêt était soumis au droit suisse, de sorte que la clause devait, selon la banque, être appréciée au regard du droit suisse.

Les emprunteurs ont invoqué les dispositions de la Convention de Rome du 19 juin 1980 :

  • l’article 5, 2° de ladite Convention applicable aux contrats ayant pour objet la fourniture d’objets mobiliers corporels ou de services à une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, ainsi qu’aux contrats destinés au financement d’une telle fourniture, dispose que le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle ;
  • l’article 7 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 prévoit expressément que :
    Lors de l’application, en vertu de la présente convention, de la loi d’un pays déterminé, il pourra être donné effet aux dispositions impératives de la loi d’un autre pays avec lequel la situation présente un lien étroit, si et dans la mesure où, selon le droit de ce dernier pays, ces dispositions sont applicables quelle que soit la loi régissant le contrat. Pour décider si effet doit être donné à ces dispositions impératives, il sera tenu compte de leur nature et de leur objet ainsi que des conséquences qui découleraient de leur application ou de leur non-application.

En vertu de ces dispositions, la soumission des parties au droit suisse n’empêchait pas l’application du droit français de la consommation et notamment les dispositions de l’article L.132-1 alinéa 1 du code de la consommation, qui prévoient que doivent être considérées comme abusives, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, les clauses ayant pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Le tribunal a fait droit à leurs demandes en jugeant que le droit  français de la consommation et notamment les dispositions de l’article L.132-1 alinéa 1 du code de la consommation étaient applicables, malgré la soumission du contrat au droit suisse et que la clause permettant la dénonciation anticipée du prêt  était abusive et devait être réputée non écrite en précisant :

« Si de telles stipulations contractuelles confèrent bien dans leur principe aux cocontractants une faculté de dénonciation de même envergure, leur mise en œuvre par l’une ou l’autre des parties engendre un net déséquilibre au détriment du bénéficiaire du crédit.

En effet, alors que la dénonciation initiée sur un tel fondement par l’emprunteur entraîne seulement le remboursement anticipé du prêt entre les mains de la banque, celle opérée par l’établissement de crédit, même en l’absence d’incidents de paiement, a pour effet de rendre exigibles l’intégralité des sommes restant dues au terme d’un préavis de trois mois et contraint dès lors le client qui n’est pas en mesure de s’acquitter de telles sommes dans cet intervalle de temps à rechercher dans l’urgence une nouvelle solution de financement.

Partant, il y a lieu de considérer que les clauses susvisées sont contraires aux dispositions impératives du droit de la consommation et de dire que celles-ci sont réputées non écrites« .

En conséquence, le préjudice matériel des emprunteur devait être analysé en une perte de chance d’avoir pu rembourser les crédits souscrits à leurs termes théoriques, à savoir le 31 mars 2025, et selon les plans d’amortissements initialement convenus entre les parties.

La perte de chance est appréciée par rapport à la chance perdue sans être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.

En l’occurrence, la probabilité qu’avaient les parties requérantes de rembourser dans leur intégralité leurs emprunts doit être examinée à la lumière de la durée restant à courir des crédits au jour de la dénonciation opérée par la banque UBS, soit quatorze années environ, du montant des échéances à échoir ainsi que des sommes déjà versées par ces derniers.

Le préjudice a été fixé à la somme de 320.000 euros.

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Dana Avocats est un cabinet d’affaires situé à Paris, 109 avenue Henri Martin dans le 16ème arrondissement.

Les activités dominantes du cabinet sont le contentieux bancaire et financier et le droit pénal des affaires.

Nous assistons les emprunteurs et les investisseurs dans le cadre de litiges contre les banquiers, les assureurs et leurs intermédiaires, les prestataires de services d’investissement et les conseillers en investissements financiers.

 

 

 

 

 

 

Prêt en franc suisse – Clause abusive – Droit européen

Par un arrêt rendu le 20 septembre 2017, la Cour de Justice de l’Union Européenne a jugé, s’agissant des prêts en devises, que :

  • les établissements financiers doivent fournir aux emprunteurs des informations suffisantes pour permettre à ceux-ci de prendre leurs décisions avec prudence et en toute connaissance de cause, celles-ci devant au moins traiter de l’incidence sur les remboursements d’une dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l’État membre où l’emprunteur est domicilié et d’une hausse du taux d’intérêt étranger (cf. Comité européen du risque systémique dans sa recommandation CERS/2011/1, du 21 septembre 2011, concernant les prêts en devises, Recommandation A – Sensibilisation des emprunteurs aux risques, point 1) ;
  • l’emprunteur doit être clairement informé du fait que, en souscrivant un contrat de prêt libellé dans une devise étrangère, il s’expose à un risque de change qu’il lui sera, éventuellement, économiquement difficile d’assumer en cas de dévaluation de la monnaie dans laquelle il perçoit ses revenus,
  • l’établissement bancaire doit exposer les possibles variations des taux de change et les risques inhérents à la souscription d’un prêt en devise étrangère, notamment dans l’hypothèse où le consommateur emprunteur ne perçoit pas ses revenus dans cette devise,
  • il appartient, dès lors, à la juridiction nationale de vérifier que le professionnel a communiqué aux consommateurs concernés toute information pertinente permettant à ceux-ci d’évaluer les conséquences économiques d’une clause relative au risque de change, sur leurs obligations financières,
  • l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que l’exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible suppose que, dans le cas des contrats de crédit, les établissements financiers doivent fournir aux emprunteurs des informations suffisantes pour permettre à ceux-ci de prendre leurs décisions avec prudence et en toute connaissance de cause,
  • À cet égard, cette exigence implique qu’une clause selon laquelle le prêt doit être remboursé dans la même devise étrangère que celle dans laquelle il a été contracté soit comprise par le consommateur à la fois sur le plan formel et grammatical, mais également quant à sa portée concrète, en ce sens qu’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, puisse non seulement connaître la possibilité de hausse ou de
    dépréciation de la devise étrangère dans laquelle le prêt a été contracté, mais aussi évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, d’une telle clause sur ses obligations financières,
  • s’agissant de la clause d’un contrat de prêt libellé dans une devise étrangère stipulant que les mensualités de remboursement du prêt doivent être effectuées dans cette même devise fait ainsi peser, en cas de dévaluation de la monnaie nationale par rapport à cette devise, le risque de change sur le consommateur,
  • il incombe à la juridiction de renvoi d’évaluer, eu égard à l’ensemble des circonstances de l’affaire au principal, et en tenant compte notamment de l’expertise et des connaissances du professionnel, en l’occurrence de la banque, en ce qui concerne les possibles variations des taux de change et les risques inhérents à la souscription d’un prêt en devise étrangère, dans un premier temps, le possible non-respect de l’exigence de bonne foi et, dans un second temps, l’existence d’un éventuel déséquilibre significatif,
  • si une clause crée, en dépit de l’exigence de bonne foi, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat, le juge national doit vérifier si le professionnel, en traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte une telle clause à la suite d’une négociation individuelle,
  • l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que l’appréciation du caractère abusif d’une clause contractuelle doit être effectuée par référence au moment de la conclusion du contrat concerné, en tenant compte de l’ensemble des circonstances dont le professionnel pouvait avoir connaissance audit moment et qui étaient de nature à influer sur l’exécution ultérieure de celui-ci. Il incombe à la juridiction de renvoi d’évaluer, eu égard à l’ensemble des circonstances de l’affaire au principal, et en tenant compte notamment de l’expertise et des connaissances du professionnel, en l’occurrence de la banque, en ce qui concerne les possibles variations des taux de change et les risques inhérents à la souscription d’un prêt en devise étrangère, l’existence d’un éventuel déséquilibre au sens de ladite disposition.

Il résulte de cette décision  de la CJUE que les clauses des contrats de prêt en devise aux termes desquelles :

  • le risque de change doit être assumé exclusivement par l’emprunteur,
  • l’emprunteur doit rembourser en devise l’emprunt contracté,

peuvent être jugées abusives par les juridictions nationales saisies et donc réputées non écrites, de sorte qu’une indemnisation du préjudice subi par suite de l’appréciation de la devise étrangère par rapport à la monnaie nationale peut être sollicitée, sous réserve du respect des conditions posées par cette décision.

Cette décision est donc très favorable aux emprunteurs de prêts en devise.

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Me Dana interrogé par la Tribune de Genève

Crédits toxiques: la justice soulage des frontaliers

Taux de change. De récents arrêts profitent aux emprunteurs lésés par l’évolution du cours du franc suisse.

Les récentes décisions de la justice française pourraient s’appliquer à des prêts souscrits dans d’autres devises que le franc suisse.

Les récentes décisions de la justice française pourraient s’appliquer à des prêts souscrits dans d’autres devises que le franc suisse. Image: Lucien Fortunati

«J’ai racheté mon prêt en devises en 2013. Le taux de change était alors de 1,22 franc pour 1 euro. A l’heure actuelle, je ne suis plus frontalière car j’ai déménagé. Et je ne touche plus de revenus suisses… Mon appartement est actuellement en vente et évidemment le taux de change étant descendu à 1,10, j’ai quasiment autant à rembourser que lorsque j’ai emprunté…» Des témoignages comme celui d’Amandine pullulent sur le site http://www.travailler-en-suisse.ch. Il faut dire que David Talerman, l’auteur de ce site spécialisé dans les dossiers transfrontaliers, a, semble-t-il, débusqué «une véritable bombe atomique».

De quoi s’agit-il? Au début de cette année, la justice française est allée jusqu’à annuler des prêts libellés en francs suisses. Depuis qu’ils ont emprunté il y a quelques années pour devenir propriétaires immobiliers, nombre de clients frontaliers se retrouvent le couteau sous la gorge. En cause: la dépréciation de l’euro par rapport au franc suisse. Entre 2007 et 2015, le montant du capital à rembourser ainsi que les intérêts ont augmenté de près de 60%. Le problème de ces emprunts dits «toxiques» a été mis en lumière suite aux difficultés financières rencontrées par les collectivités territoriales françaises ayant souscrit des prêts de ce type, telles que le Département de l’Ain, pour n’en citer qu’une parmi tant d’autres.

Or, ces derniers mois, une brèche juridique s’ouvre pour les particuliers. Ils pourraient bien être des milliers à tenter de s’y glisser. Spécialisé dans le droit bancaire et financier, Me David Dana, avocat au Barreau de Paris, suit de près ces évolutions récentes. «J’ai de nombreux clients en Haute-Savoie, en Alsace, en Moselle, mais aussi dans le sud de la France, qui pourraient profiter de cette jurisprudence extrêmement favorable aux emprunteurs», commente-t-il.

«Risque de perte non mesurable»

Le premier choc juridique remonte au 29 mars. L’affaire oppose BNP Paribas à un couple ayant souscrit un prêt Helvet Immo, libellé en francs suisse et remboursable en euros. «La Cour de cassation a estimé que dans ce contrat, le risque de change pesait exclusivement sur les emprunteurs», analyse Me Dana. Evoquant «un risque de perte non mesurable et d’une ampleur imprévisible», la juridiction suprême s’est appuyée sur le Code de la consommation pour juger la clause monétaire abusive et condamner la banque.

Le 6 avril, la Cour d’appel de Metz franchit un pas supplémentaire en annulant purement et simplement deux prêts libellés en francs suisses. Son raisonnement s’appuie sur le fait que la banque est française, que l’emprunteur réside dans l’Hexagone et que le bien immobilier à financer se situe en France. Et le versement des fonds et les remboursements devaient s’effectuer en France. «L’emploi d’une monnaie étrangère n’est justifié par aucun élément d’extranéité, précise l’avocat. La clause contractuelle obligeant l’emprunteur à régler ses mensualités en francs suisses, dans ce cadre, a donc été jugée nulle. Et la nullité de la clause a emporté la nullité du contrat.»

Retour à la case départ! La banque, soit cette fois le Crédit Agricole de Lorraine, se voit obligée de rembourser l’ensemble des sommes perçues (capital et intérêts) en échange de la restitution des fonds par l’emprunteur au taux de change qui était en cours au moment de la souscription du prêt. «Comme si le prêt n’avait jamais été conclu», déplore dans un communiqué l’établissement condamné, cité par le magazine Challenges.

Me Dana relève toutefois que la décision de la Cour d’appel de Metz s’inscrit dans des conditions restrictives. «Le délai de prescription est de cinq ans. L’action de la plupart des emprunteurs pourrait être jugée irrecevable en suivant cette voie juridique», insiste l’avocat parisien. De plus, il est fort probable que le Crédit Agricole de Lorraine se pourvoie en cassation. Ce dossier n’est donc pas clos.

Des renégociations à venir

Mais quoi qu’il advienne, ces décisions successives mettent en avant le droit de l’emprunteur. «En s’appuyant sur elles, des négociations entre l’emprunteur et la banque sont possibles. Avec l’appui d’un avocat, il est envisageable de convenir à l’amiable d’un taux de change acceptable pour les deux parties», estime Me Dana, dans l’esprit d’un partage du risque plus équitable. Cette jurisprudence pourrait étendre ses effets aux prêts souscrits dans d’autres devises étrangères. «Le yen ou la livre turque», indique l’avocat.

De son côté, David Talerman évoque une onde de choc potentielle, notamment dans le bassin lémanique. «Les banques ont commercialisé massivement ce produit. Or, même s’il demeure intéressant pour certains, il est loin d’être adapté à tous les profils de clients. Si on épluche tous ces contrats, on peut probablement recourir contre nombre d’entre eux.» De quoi entrevoir une issue de secours pour des milliers d’emprunteurs en grande difficulté financière. «Certains frontaliers se sont retrouvés au chômage ou ont quitté la région (à l’image d’Amandine) et perçoivent donc des revenus en euros alors qu’ils doivent continuer à rembourser leurs prêts en francs suisses», poursuit-il. Autre cas de figure problématique: la souscription de ce type de prêt pour financer l’achat d’un bien locatif en France. «Le loyer en euros ne couvre bien souvent plus le remboursement du prêt. Pour se prémunir, certains propriétaires exigent des loyers en francs suisses pour un appartement situé en France. Mais c’est illégal!»

Reste le cas de la revente d’un bien immobilier financé par un prêt en francs suisses (lire ci-contre). «Dans certains cas, le montant de la vente en euros ne couvre pas le rachat du prêt en francs suisses.» Soit l’emprunteur perd tout ou partie de l’argent investi ces dernières années sous la forme de mensualités, qui s’évapore dans l’opération de change. Soit la vente ne se fait pas. «Le marché immobilier s’en ressent, estime David Talerman, avec des vendeurs qui fixent le montant du bien non pas en fonction des prix du marché mais de leur prêt à rembourser…» Et la situation du marché immobilier dans la région se tend encore un peu plus.

(TDG)

Créé: 30.07.2017, 16h53

L’essentiel

Décisions de justice
La Cour de cassation et la Cour d’appel de Metz ont récemment statué sur des cas de crédits toxiques contractés par des particuliers.

Change
En raison du taux de conversion entre l’euro et le franc, certains emprunteurs ont vu leurs mensualités exploser ou se retrouvent dans l’impossibilité de vendre leur bien.

Négociations
Ces arrêts ouvrent une brèche pour permettre aux emprunteurs de renégocier avec leur banque.

Un cas de revente compliquée

Difficile en 2007 pour les emprunteurs de résister à la tentation de souscrire des prêts en francs suisses plutôt qu’en euros. A l’époque, les taux proposés par les banques pour des prêts dits «en devises» sont très attractifs par comparaison avec les taux des crédits en euros (1% pour
les premiers contre 3% pour les seconds). Ce qui a modifié la donne dans les années qui ont suivi, ce n’est pas le taux hypothécaire mais bien
le taux de change franc-euro. D’où de grosses difficultés en perspective pour l’emprunteur si celui-ci souhaite revendre un bien immobilier situé en France et financé par un prêt en francs suisses. Pour bien comprendre, reprenons l’exemple chiffré cité sur le site de David Talerman. Un frontalier a emprunté 500 000 euros en 2007, au taux de 2,5% sur 25 ans. Supposons qu’à la signature du prêt, le taux de change euro-franc était à 1,60. Le prêt étant transformé en francs, le frontalier a donc souscrit en réalité un prêt de 800 000 francs. Dix ans plus tard, il souhaite vendre son bien. En supposant que l’immobilier est resté stable sur la période (pour simplifier), l’emprunteur va récupérer de la vente 500 000 euros. Convertis en francs au taux de change actuel, soit 1,10 franc pour 1 euro, la somme est de 550 000 francs. Sachant qu’après dix ans, il lui restait environ 540 000 francs de capital à rembourser. La plus-value de cette opération atteint à peine 10 000 francs. David Talerman conclut: «Sur la période, la variation de change a presque totalement annulé l’effort de l’amortissement du prêt. Dans d’autres cas, la vente du bien
ne couvre simplement pas le montant à rembourser à la banque.» Ce qui peut aussi rendre la vente impossible.
M.P.

David Dana, avocat spécialisé dans le droit bancaire et financier.

David Talerman, auteur du site «www.travailler-en-suisse.ch

Les récentes décisions de la justice française pourraient s’appliquer à des prêts souscrits dans d’autres devises que le franc suisse.

Annulation des prêts en franc suisse

 

Les prêts en franc suisse comportent un risque de change si l’emprunteur perçoit ses revenus en euros et doit rembourser en devise helvétique.

En 2007, le cours EUR/CHF était de 1,60 environ. A compter de 2007, l’euro s’est déprécié par rapport au franc suisse. En janvier 2015, le cours EUR/CHF était environ à parité, l’euro ayant perdu jusqu’à 60% de sa valeur face à la devise helvétique.

Compte tenu de la dépréciation de l’euro par rapport au franc suisse, le montant du capital et des intérêts à régler à la banque a donc augmenté de 60% environ entre 2007 et 2015.

Pour de nombreux emprunteurs, ces prêts sont donc devenus excessifs et ruineux.

 

Par un arrêt rendu le 6 avril 2017, la Cour d’appel de Metz a annulé deux prêts libellés en franc suisse en jugeant que :

  • les contrats litigieux sont des contrats internes, s’agissant de prêts conclus entre des parties toutes domiciliées en France, destinés à financer des opérations faites en France, dont les capitaux prêtés étaient mis à disposition en France et dont les remboursements devaient s’effectuer également dans ce pays ;
  • les échéances des prêts portaient non sur des sommes en euros mais sur la contre valeur en francs suisses d’une certaine somme d’argent en euros et que le remboursement des prêts tant des échéances qu’à titre anticipé était expressément prévu comme devant intervenir en devises étrangères ;
  • le franc suisse a été utilisé comme monnaie de paiement et l’emprunteur n’avait pas le droit de se libérer à son choix en euros mais devait impérativement le faire en francs suisses ;
  • La clause espèces étrangères de chacun des prêts litigieux est donc frappée de nullité absolue. Elle a pour effet d’entraîner la nullité de l’ensemble des contrats de prêt car il s’agit d’une clause déterminante des contrats sans laquelle ceux ci n’auraient pas été conclus.

La nullité des contrats de prêt a pour effet de remettre les parties dans l’état où elles étaient avant l’acte.

L’emprunteur ne doit en conséquence restituer que les fonds reçus de la banque, sans supporter le risque de change et sans régler les intérêts appliqués depuis la date du contrat.

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Dana Avocats est un cabinet d’affaires situé à Paris, 198 avenue Victor Hugo dans le 16ème arrondissement.

Les activités dominantes du cabinet sont le contentieux bancaire et financier et le droit pénal des affaires.

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