Des investisseurs souscrivent auprès d’un prestataire de services d’investissement une convention d’ouverture de compte joint leur permettant de passer des ordres à distance sur le service de règlement différé ainsi que de conclure des achats et ventes de titres dits « à découvert ».
Assignés en paiement de l’insuffisance de couverture, ils sollicitent des dommages-intérêts à concurrence de la différence entre le solde débiteur du compte et le montant des sommes réclamées
La Cour d’appel de Douai rejette leur demande aux motifs que les dispositions réglementaires relatives à la couverture des opérations sur le marché à terme et à la liquidation des positions du donneur d’ordre en cas d’insuffisance de celle-ci, étant édictées dans l’intérêt des intermédiaires et de la sécurité du marché, ne peuvent être invoquées par le donneur d’ordre averti.
L’arrêt est cassé par la chambre commerciale de la Cour de cassation au visa des articles L. 533 du Code monétaire et financier, dans sa rédaction alors applicable, et 1147 du Code civil.
Le prestataire de services d’investissement est tenu d’exercer son activité avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent, ainsi que de se conformer à toutes les réglementations applicables à l’exercice de son activité afin de préserver au mieux les intérêts de son client et l’intégrité du marché et il résulte du premier de ces textes qu’il est tenu de réparer les conséquences dommageables de l’inexécution de ses obligations.
La cour d’appel retient encore que les investisseurs, opérateurs avertis, informés en permanence de la situation de leur compte et de la répartition de leur portefeuille par l’intermédiaire du site internet de la société, avaient eux-mêmes le pouvoir, du moment qu’ils n’étaient plus en mesure de couvrir leurs positions, de les liquider de leur propre chef, que c’est donc librement qu’ils ont décidé de reporter la liquidation de leurs engagements dans l’attente d’une conjoncture boursière plus favorable à leur exécution et que l’attentisme de la société d’investissement résulte de la volonté manifestée en pleine connaissance de cause par ses clients de miser sur une remontée des cours de la bourse, de sorte qu’ils ne justifient pas d’une relation de causalité entre le manquement reproché à la société et leur préjudice, lequel résulte de choix imposés à la société de bourse.
Sur ce moyen aussi, l’arrêt est cassé au visa des mêmes textes.
La Cour de cassation énonce que le prestataire de services d’investissement intervenant pour le compte d’un donneur d’ordre sur le marché à règlement différé est tenu, même sans ordre de liquidation et nonobstant tout ordre contraire de ce dernier, de liquider les positions de son client lorsque celui-ci n’a pas, le lendemain du dernier jour de la liquidation mensuelle, remis les titres ou les fonds nécessaires à la livraison des instruments financiers vendus ou au paiement des instruments financiers achetés, cette liquidation d’office devant également avoir lieu lorsque les positions du donneur d’ordre ont été reportées et que celui-ci n’a pas, avant la même date, réglé son solde débiteur et constitué ou complété la couverture afférente à l’opération de report.
La faute imputée aux investisseurs n’aurait pu être commise en l’absence de celle de la société.
Cass. com., 13 mai 2014, n° 09-13805