Condamnation de la banque UBS – Prêt en CHF – Clause abusive – Droit international prive – Convention de Rome sur la loi applicable

Par jugement rendu le 17 janvier 2018, le Tribunal de grande instance de Colmar a condamné la banque UBS AG à indemniser des emprunteurs de leur préjudice né de la demande de remboursement anticipé d’un prêt immobilier.

Dans cette espèce, la banque suisse UBS a sollicité des emprunteurs le remboursement du prêt avant son terme sur le fondement d’une clause prévoyant la possibilité pour la banque de dénoncer le prêt moyennant un préavis de trois mois.

Le contrat de prêt était soumis au droit suisse, de sorte que la clause devait, selon la banque, être appréciée au regard du droit suisse.

Les emprunteurs ont invoqué les dispositions de la Convention de Rome du 19 juin 1980 :

  • l’article 5, 2° de ladite Convention applicable aux contrats ayant pour objet la fourniture d’objets mobiliers corporels ou de services à une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, ainsi qu’aux contrats destinés au financement d’une telle fourniture, dispose que le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle ;
  • l’article 7 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 prévoit expressément que :
    Lors de l’application, en vertu de la présente convention, de la loi d’un pays déterminé, il pourra être donné effet aux dispositions impératives de la loi d’un autre pays avec lequel la situation présente un lien étroit, si et dans la mesure où, selon le droit de ce dernier pays, ces dispositions sont applicables quelle que soit la loi régissant le contrat. Pour décider si effet doit être donné à ces dispositions impératives, il sera tenu compte de leur nature et de leur objet ainsi que des conséquences qui découleraient de leur application ou de leur non-application.

En vertu de ces dispositions, la soumission des parties au droit suisse n’empêchait pas l’application du droit français de la consommation et notamment les dispositions de l’article L.132-1 alinéa 1 du code de la consommation, qui prévoient que doivent être considérées comme abusives, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, les clauses ayant pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Le tribunal a fait droit à leurs demandes en jugeant que le droit  français de la consommation et notamment les dispositions de l’article L.132-1 alinéa 1 du code de la consommation étaient applicables, malgré la soumission du contrat au droit suisse et que la clause permettant la dénonciation anticipée du prêt  était abusive et devait être réputée non écrite en précisant :

« Si de telles stipulations contractuelles confèrent bien dans leur principe aux cocontractants une faculté de dénonciation de même envergure, leur mise en œuvre par l’une ou l’autre des parties engendre un net déséquilibre au détriment du bénéficiaire du crédit.

En effet, alors que la dénonciation initiée sur un tel fondement par l’emprunteur entraîne seulement le remboursement anticipé du prêt entre les mains de la banque, celle opérée par l’établissement de crédit, même en l’absence d’incidents de paiement, a pour effet de rendre exigibles l’intégralité des sommes restant dues au terme d’un préavis de trois mois et contraint dès lors le client qui n’est pas en mesure de s’acquitter de telles sommes dans cet intervalle de temps à rechercher dans l’urgence une nouvelle solution de financement.

Partant, il y a lieu de considérer que les clauses susvisées sont contraires aux dispositions impératives du droit de la consommation et de dire que celles-ci sont réputées non écrites« .

En conséquence, le préjudice matériel des emprunteur devait être analysé en une perte de chance d’avoir pu rembourser les crédits souscrits à leurs termes théoriques, à savoir le 31 mars 2025, et selon les plans d’amortissements initialement convenus entre les parties.

La perte de chance est appréciée par rapport à la chance perdue sans être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.

En l’occurrence, la probabilité qu’avaient les parties requérantes de rembourser dans leur intégralité leurs emprunts doit être examinée à la lumière de la durée restant à courir des crédits au jour de la dénonciation opérée par la banque UBS, soit quatorze années environ, du montant des échéances à échoir ainsi que des sommes déjà versées par ces derniers.

Le préjudice a été fixé à la somme de 320.000 euros.

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Dana Avocats est un cabinet d’affaires situé à Paris, 109 avenue Henri Martin dans le 16ème arrondissement.

Les activités dominantes du cabinet sont le contentieux bancaire et financier et le droit pénal des affaires.

Nous assistons les emprunteurs et les investisseurs dans le cadre de litiges contre les banquiers, les assureurs et leurs intermédiaires, les prestataires de services d’investissement et les conseillers en investissements financiers.

 

 

 

 

 

 

Prêt en franc suisse – Clause abusive – Droit européen

Par un arrêt rendu le 20 septembre 2017, la Cour de Justice de l’Union Européenne a jugé, s’agissant des prêts en devises, que :

  • les établissements financiers doivent fournir aux emprunteurs des informations suffisantes pour permettre à ceux-ci de prendre leurs décisions avec prudence et en toute connaissance de cause, celles-ci devant au moins traiter de l’incidence sur les remboursements d’une dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l’État membre où l’emprunteur est domicilié et d’une hausse du taux d’intérêt étranger (cf. Comité européen du risque systémique dans sa recommandation CERS/2011/1, du 21 septembre 2011, concernant les prêts en devises, Recommandation A – Sensibilisation des emprunteurs aux risques, point 1) ;
  • l’emprunteur doit être clairement informé du fait que, en souscrivant un contrat de prêt libellé dans une devise étrangère, il s’expose à un risque de change qu’il lui sera, éventuellement, économiquement difficile d’assumer en cas de dévaluation de la monnaie dans laquelle il perçoit ses revenus,
  • l’établissement bancaire doit exposer les possibles variations des taux de change et les risques inhérents à la souscription d’un prêt en devise étrangère, notamment dans l’hypothèse où le consommateur emprunteur ne perçoit pas ses revenus dans cette devise,
  • il appartient, dès lors, à la juridiction nationale de vérifier que le professionnel a communiqué aux consommateurs concernés toute information pertinente permettant à ceux-ci d’évaluer les conséquences économiques d’une clause relative au risque de change, sur leurs obligations financières,
  • l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que l’exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible suppose que, dans le cas des contrats de crédit, les établissements financiers doivent fournir aux emprunteurs des informations suffisantes pour permettre à ceux-ci de prendre leurs décisions avec prudence et en toute connaissance de cause,
  • À cet égard, cette exigence implique qu’une clause selon laquelle le prêt doit être remboursé dans la même devise étrangère que celle dans laquelle il a été contracté soit comprise par le consommateur à la fois sur le plan formel et grammatical, mais également quant à sa portée concrète, en ce sens qu’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, puisse non seulement connaître la possibilité de hausse ou de
    dépréciation de la devise étrangère dans laquelle le prêt a été contracté, mais aussi évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, d’une telle clause sur ses obligations financières,
  • s’agissant de la clause d’un contrat de prêt libellé dans une devise étrangère stipulant que les mensualités de remboursement du prêt doivent être effectuées dans cette même devise fait ainsi peser, en cas de dévaluation de la monnaie nationale par rapport à cette devise, le risque de change sur le consommateur,
  • il incombe à la juridiction de renvoi d’évaluer, eu égard à l’ensemble des circonstances de l’affaire au principal, et en tenant compte notamment de l’expertise et des connaissances du professionnel, en l’occurrence de la banque, en ce qui concerne les possibles variations des taux de change et les risques inhérents à la souscription d’un prêt en devise étrangère, dans un premier temps, le possible non-respect de l’exigence de bonne foi et, dans un second temps, l’existence d’un éventuel déséquilibre significatif,
  • si une clause crée, en dépit de l’exigence de bonne foi, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat, le juge national doit vérifier si le professionnel, en traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte une telle clause à la suite d’une négociation individuelle,
  • l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que l’appréciation du caractère abusif d’une clause contractuelle doit être effectuée par référence au moment de la conclusion du contrat concerné, en tenant compte de l’ensemble des circonstances dont le professionnel pouvait avoir connaissance audit moment et qui étaient de nature à influer sur l’exécution ultérieure de celui-ci. Il incombe à la juridiction de renvoi d’évaluer, eu égard à l’ensemble des circonstances de l’affaire au principal, et en tenant compte notamment de l’expertise et des connaissances du professionnel, en l’occurrence de la banque, en ce qui concerne les possibles variations des taux de change et les risques inhérents à la souscription d’un prêt en devise étrangère, l’existence d’un éventuel déséquilibre au sens de ladite disposition.

Il résulte de cette décision  de la CJUE que les clauses des contrats de prêt en devise aux termes desquelles :

  • le risque de change doit être assumé exclusivement par l’emprunteur,
  • l’emprunteur doit rembourser en devise l’emprunt contracté,

peuvent être jugées abusives par les juridictions nationales saisies et donc réputées non écrites, de sorte qu’une indemnisation du préjudice subi par suite de l’appréciation de la devise étrangère par rapport à la monnaie nationale peut être sollicitée, sous réserve du respect des conditions posées par cette décision.

Cette décision est donc très favorable aux emprunteurs de prêts en devise.

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Adoption de la Directive européenne n° 2014/17 EU du 4 février 2014 sur le crédit immobilier

La Directive sur le crédit immobilier 2014/17/EU portant sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel a été adoptée le 4 février 2014.

La crise financière a montré que le comportement de participants au marché pouvait miner les fondements du système financier, avec une perte de confiance chez toutes les parties, en particulier les consommateurs, et des conséquences économiques et sociales potentiellement graves.

En conséquence, les contrats de crédit garantis par une hypothèque, par une autre sûreté comparable communément utilisée dans un État membre sur les biens immobiliers à usage résidentiel, ou par un droit lié à un bien immobilier à usage résidentiel et aux contrats de crédit destinés à permettre l’acquisition ou le maintien de droits de propriété sur un terrain ou un immeuble existant ou à construire seront régis par la Directive européenne 2014/17 du 4 février 2014 qui vise un niveau élevé de protection des consommateurs au sens du droit européen.

Les États membres devront transposer ses dispositions dans leur droit national d’ici mars 2016.

Elle prévoit notamment des obligations d’information du consommateur, des règles pour la conduite des affaires et les compétences du personnel, une obligation d’évaluation de la solvabilité du consommateur, des dispositions sur le remboursement anticipé, des dispositions sur les prêts en devises étrangères, des dispositions sur les pratiques de ventes liées, certains principes de haut niveau (notamment sur l’éducation financière, l’évaluation foncières et les retards de paiement et saisies) et un passeport pour les intermédiaires de crédit qui remplissent les conditions d’admission dans l’État membre d’origine.

Directive 2014/17 du 4 février 2014 : JOUE L 60 du 28 février p. 34

Rejet de l’exception d’incompétence territoriale soulevée par une SICAV Luxembourgeoise

M. V… et d’autres personnes physiques et morales, dont Mme T… et M. U… (les investisseurs), ont, le 19 mars 2010, fait assigner les sociétés UBS devant le Tribunal de commerce de Paris.

Ils faisaient valoir qu’ils avaient perdu les sommes qu’ils avaient investies dans la SICAV de droit luxembourgeois Luxalpha (la SICAV) en raison de fautes imputables à la société de droit suisse UBS AG ainsi qu’à ses filiales de droit luxembourgeois, les sociétés UBS (Luxembourg), UBS Fund Services (Luxembourg) et UBS Third Party Management Company, respectivement  » promoteur « , dépositaire, société de gestion et agent administratif de la SICAV (les sociétés UBS).

Celles-ci, faisant valoir qu’aucune d’elles n’avait son siège en France et que ni le fait générateur, ni le lieu où le dommage est survenu n’étaient situés en France, ont, à titre principal, ont contesté la compétence du juge français. L’autorisation de commercialisation en France de la SICAV qui a été accordée par l’Autorité des marchés financiers le 25 mars 2005 établie l’existence d’un fait causal ayant eu lieu en France et ainsi celle d’un fait dommageable s’étant produit dans ce pays. Le Tribunal de commerce de Paris est donc compétent.

La Cour de cassation casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris du 21 février 2012.

Com. 3 juin 2014. N° de pourvoi: 12-18012