Prêts en francs suisses – Condamnation de la BNP Personal Finance à indemniser 2.300 emprunteurs ayant souscrit des prêts en CHF

Par jugement rendu le 26 février 2020, la 13ème chambre correctionnelle du Tribunal judicaire de Paris a déclaré la société BNP Paribas Personal Finance coupable de pratique commerciale trompeuse pour avoir commercialisé, en France, des prêts libellés en francs suisses et remboursables en euros.

La société BNP Paribas Personal Finance a conçu et commercialisé le prêt Helvet Immo, un prêt à taux variable à long terme, sur 20 ou 25 ans, alors que la crise des subprimes avait débuté, que le franc suisse commençait à s’apprécier par rapport à l’euro, que les taux d’intérêt des prêts à taux variables avaient connu tout au long de l’année 2007 une remontée progressive entraînant une inversion de la courbe des taux.


L’abstention de la banque de faire figurer clairement le risque de change et ses conséquences dans l’offre de prêt s’apparente à une pratique déloyale et un manquement à la diligence professionnelle.

La banque est condamnée à verser aux emprunteurs un préjudice financier correspondant à une partie importante de la perte de change subie du fait de l’appréciation du CHF par rapport à l’EURO, outre un préjudice moral et une partie des frais d’avocat.

Ces prêts en francs suisses ont été généralement souscrits par des emprunteurs démarchés par des intermédiaires, conseils en investissements financiers, conseils en gestion de patrimoine, dans le cadre d’un investissement locatif bénéficiant d’un dispositif de défiscalisation.

Néanmoins, le capital restant dû était soumis au risque de change en cas d’appréciation du CHF par rapport à l’EURO.

La caractéristique principale de ces prêts en francs suisses à taux d’intérêt variable révisable, était que la somme était empruntée en francs suisses mais devait être remboursée en euros.

Les emprunteurs supportaient donc deux risques : le risque de perte de change en
cas d’évolution de la parité euros/CHF et le risque lié à l’évolution du taux
d’intérêt.

Le risque de change était à la charge exclusive des emprunteurs.

En cas de dépréciation de l’euro par rapport au franc suisse, les emprunteurs
supportent les risques de deux façons : d’abord par l’allongement de la durée de
remboursement du prêt jusqu’à 5 ans puis par l’augmentation des mensualités si
nécessaire pour respecter la période de rallongement de 5 ans.


Or, les emprunteurs parties civiles n’avaient pas compris au moment de l’acceptation de l’offre, l’existence et l’ampleur du risque de change qui leur a été dissimulé ou expliqué de manière inintelligible dans l’offre de prêt qu’ils ont signée et dans le discours qui leur a été tenu lors de la commercialisation.

Que ce soit dans les documents ou les discours commerciaux, l’argument
majeur était « la stabilité du franc suisse ».

La stabilité du taux de change avait été mise en avant par l’ensemble des collaborateurs ou des intermédiaires entendus, comme étant de nature à protéger le client d’une augmentation du capital restant dû.

L’ACP dans sa recommandation du 6 avril 2012 considère que les crédits en
devises sont des crédits comportant un risque particulier nécessitant des précautions d’information renforcées à l’égard du client.


La forte appréciation du franc suisse a contribué au risque de déflation. En
outre, les banques qui ont prêté en franc suisse en dehors de la Suisse avaient besoin de liquidités en franc suisse, ce qui a créé une tension à la hausse sur les taux d’intérêt du marché interbancaire en franc suisse.

La stabilisation du franc suisse par l’intervention de la Banque Nationale
Suisse démontre les inquiétudes importantes du marché à cette date quant aux risques de décrochage du franc suisse.

Dans une étude de l’OCDE d’octobre 2007, il est indiqué que « les
autorités devraient se préparer à la forte appréciation du franc suisse ».


Dans son rapport intitulé 100ème rapport de gestion pour l’année 2007, la Banque Nationale Suisse évoque l’évolution du cours de change en ces termes « cette évolution a de plus été marquée par plusieurs périodes de volatilité accrue ».


Dans son bulletin trimestriel de mars 2008, la Banque Nationale Suisse indique que cette « revalorisation du franc [avait] entraîné un ralentissement sensible des exportations réelles » et que « depuis le dernier examen de la situation économique et monétaire, le franc suisse s’est revalorisé fortement…face à l’euro il a gagné environ 6% entre la mi-décembre 2007 et la mi-mars 2008 ».


Dans son bulletin trimestriel de décembre 2008, la Banque Nationale Suisse indique que « la BNF a recouru, depuis le mois d’août 2007 à diverses mesures pour contrer les tensions accrues sur le marché monétaire. Ces mesures ont été adoptées en accord avec d’autres banques centrales […] ».

Dans son bulletin de mars 2009, la Banque Nationale Suisse évoque « son intention de provoquer une nouvelle baisse des taux d’intérêts et d’empêcher une appréciation supplémentaire du franc face à l’euro », « la valeur du franc a nettement progressé depuis le déclenchement de la crise en août 2007.


Les différentes statistiques permettent de relever les valeurs moyennes suivantes pour le cours de l’euro par rapport au franc suisse :

⁃ 2007 : 1,6427
⁃ 2008 : 1,5873
⁃ 2009 : 1,5100
⁃ 2010 : 1,3803
⁃ 2019 : 1,1163

– 2020 : 1,06.

Ce risque de perte de change est supporté également par les frontaliers ayant souscrit des prêts en francs suisses afin de financer l’acquisition de leur résidence principale en France.

Le bien immobilier situé en France acquis au moyen d’un prêt en franc suisse a une valeur en euro.

En cas de vente de sa résidence principale, avant le terme du prêt, généralement d’une durée de 25 ans, l’emprunteur frontalier doit rembourser par anticipation le capital restant dû d’un prêt en CHF au moyen d’euros.

La perte de change subie par l’emprunteur peut alors être d’un montant substantiel.

La contrevaleur en euros du capital restant dû en franc suisse excède parfois la contrevaleur du principal emprunté et ce, malgré un amortissement de plusieurs années.

En cas de prêt en franc suisse « in fine », non amortissable, la contrevaleur en euros du principal emprunté augmente proportionnellement à l’appréciation du CHF, soit de 60% environ.


Les recours judicaires sont donc possibles. Cette décision permet de mettre en lumière les graves manquements commis lors de la commercialisation des prêts en francs suisse.

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Cabinet fondé par David Dana, avocat au Barreau de Paris depuis 2004.

Les activités dominantes du cabinet sont le contentieux bancaire et financier et le droit pénal des affaires.

Nous assistons les emprunteurs et les investisseurs dans le cadre de litiges contre les banquiers, les assureurs et leurs intermédiaires, les prestataires de services d’investissement et les conseillers en investissements financiers.

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Me Dana, avocat au Barreau de Paris, fondateur du cabinet Dana Avocats, interrogé par Capital.fr

Condamnation possible de la banque lorsque l’opération de défiscalisation est déficiente

La cour d’appel de Colmar a jugé, par un arrêt rendu le 8 février 2017, que la banque est responsable si :

  • elle omet de fournir à son client une information claire sur la compréhension de l’opération de défiscalisation qu’il envisage de réaliser
  • elle manque à son devoir de conseil sur l’adéquation entre l’opération envisagée, la situation personnelle de l’intéressé et ses attentes.

L’opération de défiscalisation est relativement complexe dès lors qu’il s’agit d’investissement locatif en vue d’une défiscalisation.

Si l’opération se passe mal, la banque peut être tenue responsable à l’égard de son client.

 

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Ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation

L’ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation a été publiée au Journal Officiel du 26 mars 2016.

Il s’agit de la transposition en droit interne de la Directive européenne 2014/17/UE sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et modifiant les directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) n° 1093/2010.

De nouvelles obligations seront introduites dans le Code de la consommation et le Code monétaire et financier relatives à l’information générale du consommateur, à la remise d’une fiche d’information précontractuelle standardisée européenne (FISE), à l’évaluation de solvabilité, aux explications adéquates et au devoir d’alerte, au service de conseil, à l’évaluation du bien immobilier, aux règles de conduite et de rémunération et aux règles de compétence.

La notion de taux effectif est modifiée pour être substituée par celle de taux effectif annualisé global ou TAEG. Le TAEG sera calculé selon une même formule financière qui sera définie par décret.

1. Le devoir d’explication est précisé par l’ordonnance

Les articles L. 313-11, 313-12 et L. 314-22 du Code de la consommation prévoiront que  :

  • « le prêteur ou l’intermédiaire de crédit devront fournir gratuitement à l’emprunteur les explications adéquates lui permettant de déterminer si le ou les contrats de crédit proposés et les éventuels services accessoires sont adaptés à ses besoins et à sa situation financière » ;

L’article L. 313-22 du Code de la consommation prévoit que le devoir d’explication porte sur les « risques que la durée du contrat fait courir à l’emprunteur ».

L’obligation d’explication est soumise à la consultation du fichier des incidents de paiement (FICP)  (article L. 751-1 du Code de la consommation).

Le banquier devra justifier de la consultation du FICP  en cas de litige.

2. Le prêteur devra analyser la solvabilité de l’emprunteur selon des critères désormais légaux

L’article L. 313-16 du Code de la consommation prévoit que  :

  • « avant de conclure un contrat de crédit, le prêteur procède à une évaluation rigoureuse de la solvabilité ».

La solvabilité est définie comme la « probabilité qu’il [l’emprunteur] remplisse ses obligations au terme du contrat de crédit ».

La vérification de  solvabilité consistera pour le banquier  à « prendre en compte les facteurs pertinents permettant de vérifier » cette probabilité (L. 313-16 du Code de la consommation).

Le Code de la consommation précise que ces facteurs sont « les informations nécessaires, suffisantes et proportionnées relatives aux revenus et dépenses de l’emprunteur » ainsi que « d’autres critères économiques et financiers  ».

L’évaluation du bien immobilier et le ratio LTV (loan to value), c’est à dire le rapport entre le montant du prêt et la valeur du bien acquis et apporté en garantie devra être précisé dans un rapport écrit (L. 313-22 du même code).

3. Le devoir de mise en garde jurisprudentiel est consacré par l’ordonnance

  • « Le prêteur ou l’intermédiaire de crédit met en garde gratuitement l’emprunteur lorsque, compte tenu de sa situation financière, un contrat de crédit peut induire des risques spécifiques pour lui ».

La banque sera débitrice de cette obligation, sans la conditionner au caractère averti ou non de l’emprunteur. La loi va donc au delà de l’obligation jurisprudentielle.

4. Le devoir de conseil

Le devoir de conseil pèsera le cas échéant sur les intermédiaires bancaires définis à l’article L. 519-1 du Code monétaire et financier.

Les principales obligations entreront en vigueur à compter du 1er juillet 2016 pour les contrats dont l’offre a été émise après cette date.

S’agissant des obligations relatives à la publicité ainsi que l’information générale et précontractuelle, celles-ci seront applicables à compter du 1er octobre 2016.

S’agissant de la FISE, des obligations relatives aux prêts en devises étrangères et des nouvelles dispositions relatives au TAEG, celles-ci s’appliqueront à compter du 1er janvier 2017.

 

Plus d’informations :  www.dana-avocats.fr

Dana Avocats est un cabinet d’affaires situé à Paris, 198 avenue Victor Hugo dans le 16ème arrondissement. Les activités dominantes du cabinet sont le contentieux bancaire et financier et le droit pénal des affaires

Nous assistons les emprunteurs et les investisseurs dans le cadre de litiges contre les banquiers, les assureurs et leurs intermédiaires, les prestataires de services d’investissement et les conseillers en investissements financiers.

Le banquier n’est pas tenu à un devoir de conseil mais à un devoir de mise en garde à l’égard de l’emprunteur

Par arrêt du 13 janvier 2015, la Cour de cassation a rappelé que « sauf disposition légale ou contractuelle contraire, la banque n’est pas tenue à une obligation de conseil à l’égard de son client ».

Le banquier est tenu à un devoir d’information. Il doit communiquer les informations nécessaires, notamment les brochures et notices.

Il est tenu à un devoir de mise en garde à l’égard du client non averti en cas de crédit excessif. Il doit présenter les avantages mais également les inconvénients du prêt ou de l’investissement envisagé. Le cas échéant, il doit refuser l’opération si elle comporte un risque excessif.

Le banquier est tenu à un devoir d’explication depuis la loi du 1er juillet 2010 en matière de crédit à la consommation, ce qui inclut le crédit immobilier.

Il est tenu également à un devoir d’éclairer en droit de l’assurance en expliquant la portée des clauses d’exclusion de responsabilité à l’assuré qui doit savoir dans quels cas il ne sera pas couvert.

Ce devoir d’éclairer devrait s’appliquer également en cas de montages financiers complexes présentant un risque financier particulier – prêts à taux indexés sur le franc suisse ou le yen japonais, prêts in fine adossés à une assurance-vie ou à une opération de défiscalisation.

En revanche, le banquier n’est pas tenu à un devoir de conseil. Il n’a pas à conseiller son client de réaliser ou non tel investissement ou souscrire tel prêt, sauf mandat exprès.

 

Civ. 1ère, 13 janvier 2015, 13.25.856